La cage

Un rideau de pluie était tombé sur ce jour, recouvrant d’un voile son horizon. Elle sentait l’eau inonder ses vêtements. Ses épaules, froides, se voûtaient et ses bras tremblaient, rendant sa démarche habituellement souple et chaloupée presque crispée. La terre, gorgée d’eau, tentait perpétuellement d’absorber ses pieds. Parfois, trop tendre, le sol vert cédait sous le poids qui le foulait et laissait échapper une flaque plus froide encore pour cette intruse. La pluie chutait lourdement sur sa capuche, résonnant à ses oreilles en cris rauques. Plus rien n’existait si ce n’était ces bruits répétés qui s’acharnaient à lui rappeler combien les éléments se déchaînaient.

La cabane fut bientôt en vue. Moelique accéléra son pas sans prêter plus d’attention que nécessaire à ses pieds lorsqu’ils glissaient. Elle jura tout de même lorsqu’elle s’enfonça dans une flaque si profondément que sa bottine disparut sous l’eau. Moelique sentit le liquide froid s’infiltrer et la glacer. Elle se hâta davantage jusqu’à se laisser tomber contre le bois humide de la petite habitation. Ainsi plaquée près de la porte, elle ôta sa bottine droite et regarda l’eau s’en extirper d’un flot narquois. Elle replaça son pied avec une grimace de dégoût. Ce qu’elle pouvait détester la pluie. D’ailleurs, pourquoi devait-elle venir ? Elle avait déjà fait sa part du travail. Plus rien ne l’obligeait à l’approcher. Enfin, maintenant, elle y était. Et un feu devait l’attendre.

Elle se redressa, posa son pied avec une nouvelle moue. Il restait toujours un peu d’eau dans sa botte courte. Moelique n’attendit pas de s’y habituer, elle ouvrit la porte et s’engouffra dans la cabane.

Une vague de douce chaleur caressa ses joues meurtries par le froid. D’un geste vif, elle libéra sa chevelure ondulée de sa capuche tout en se dirigeant vers le foyer. De trop rares flammes léchaient encore les restes de bûches. Moelique attrapa les trois dernières qui attendaient sagement leur tour et les jeta sur le feu, elle n’avait pas encore le courage d’aller en chercher dehors. Elle ôta ensuite sa cape, qu’elle posa largement ouverte sur une chaise non loin de la source de chaleur, puis libéra ses pieds. À son tour, elle s’installa, les jambes tendues vers le feu et étira son corps, du bout de ses doigts fins jusqu’à ses orteils qui s’ouvrirent en éventail. Et, se rappelant qu’elle était complètement trempée, elle se releva avec grâce et vivacité. Puis commença à se dévêtir.

Une fois nue, elle demanda sans gène : « Cela ne te dérange pas j’espère. » Et sans attendre de réponse, elle se dirigea vers la porte, attrapa une cape et s’en enveloppa avant de revenir étendre ses vêtements. Puis, avec un sourire ravi, Moelique abandonna le foyer où les flammes léchaient ses bûches. Elle se dirigea vers une cage en forme de cloche où l’attendait un évilier, un oiseau de bonne taille aux plumes d’un roux flamboyant. « Quel dommage que tu aies été si curieuse. »

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