Un pied sur Nanléar

À l’image de Méaknar, et de toutes les autres cités volantes, Nanléar brillait par sa ruine. Les mêmes bâtiments arrondis ou étirés vers des cieux plus lointains s’offraient à la vue des rares visiteurs, craquelés et mangés par les plantes grimpantes. Les mêmes gardiens, fatigués d’attendre la relève, contemplaient leurs entrailles mises à nu par les façades ouvertes. La même aura de désolation régnait dans cette ville autrefois majestueuse.
Fait étonnant, des peintures, ternies par les intempéries et l’ardeur du soleil, décoraient encore certains murs. Ces formes géométriques habillaient les maisons de vert, de bleu et de blanc, parfois de rouge. Des représentations d’animaux couronnaient quelques bâtisses. Allir devait-il y voir une hiérarchie entre les habitants ? Des titres particuliers, des fonctions ou simplement le blason des familles locales ? Voilà autant de questions qui méritaient son intérêt. Peut-être total. Sans arrière pensée financière, loin de l’appât du gain, des fluctuations du marché et des désirs des mécènes. Pour lui, et la connaissance.
Indécis et un peu mal à l’aise à l’idée de changer tout à fait de voie, l’une de ces représentations attisa particulièrement sa curiosité. Loin des notables oiseaux, un animal terrestre en grande partie effacé trônait au-dessus d’une porte. Quatre pattes, une queue. Des crocs peut-être. Étrange. Malgré la présence de parcs et lieux de verdure, Allir ne se rappelait pas avoir vu de squelette de quelconque prédateur dans les cités volantes. Cela signifiait-il que les habitants de Nanléar descendaient sur terre ? Si oui, à quel rythme, et pourquoi ? Existait-il une autre civilisation oubliée vivant sur les continents ? Quelles relations entretenaient-ils avec ceux du ciel ?
Lorsque la main d’Allir se posa sur la peinture, sa conscience s’éveilla. Toutes ces questions gonflèrent plus encore sa soif de connaissances, un souffle nouveau l’envahit. Même si au fond de lui, il songeait aux possibilités de vendre ses réflexions et ses probables découvertes, la tendance s’inversait petit à petit. Le savoir prenait-il le pas sur les pièces d’or sonnantes et trébuchantes ?
Préférant détourner l’attention de cette conscience naissante qui le titillait, Allir ferma les yeux sur cette œuvre d’un passé oublié, et se concentra sur le but premier de sa venue. Il devait absolument dénicher une cuve et des cristaux, parmi les décombres, et les étudier. Quoi de mieux qu’une cité volante pour cela ? Dans le meilleur des cas, il en trouvait en parfait état. Dans le pire, des réceptacles tordus, éventrés, mais toujours pleins d’informations.

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