Étude personnelle

Adossé au mur d’obsidienne, les mains jointes et les index posés contre ses lèvres, Allir observait de loin son établi. Des parchemins à moitié déroulés s’entassaient au milieu des carnets ouverts, emplis d’écritures diverses, de phrases codées et de textes au sens caché. Des cartes et des représentations des différentes cités volantes habillaient l’immense tableau de liège, bien plus pratique qu’une façade de pierre noire et quasi indestructible.
L’archilleur appréciait son foyer pour ce qu’il était : la première création d’un magicien ayant surpassé la puissance du bois et de la roche. Certes, sa tour n’avait pas poussé comme les précédentes ni les suivantes, droites et majestueuses, mais elle n’en demeurait pas moins l’origine d’une nouvelle ère. D’autant qu’il s’amusait de voir la terre de son île trouée par endroits de champignons de pierre noire grignotés. Pour ce qui était de la décoration, voilà une tout autre affaire. Planter le moindre clou, ou pire, ficher une torche dans une paroi, demandait tant d’efforts que seul, il prenait plus d’une heure, et uniquement grâce aux bons outils. Heureusement que Voliette lui prêtait main-forte, lorsque l’espace suffisait à la faire entrer. Autant dire, presque jamais.
Allir sursauta lorsqu’il réalisa que ses pensées s’étaient égarées au loin. Pourtant, avec toutes les conclusions qu’il avait tirées depuis le début de ses réflexions, il savait n’avoir guère d’autre option que le hasard. Méaknar pillée de fond en comble, il ne lui restait que l’embarras du choix. S’il désirait trouver une autre cuve semblable à celle du Musée des Anciens, il n’avait qu’à revisiter toutes les villes perdues dans le ciel, avec l’espoir de dénicher la bonne.
Après un instant, il réalisa avoir vu plusieurs fois ces objets à travers ses fouilles. Comme un outil indispensable du quotidien, ces cuves occupaient bon nombre d’habitations. Ce qui, au vu des dégâts subis par les différents bâtiments, n’augurait rien de bon. Comme le reste des babioles inclassables, ces réceptacles avaient souffert des affres des âges et des éboulis.
Intérieurement, Allir bouillonnait. Pourquoi n’avait-il pas ramassé, ou même cherché, davantage de ces artefacts ? Avec plus d’attention et d’intelligence, il aurait déjà pu en posséder un et poursuivre son étude. Pourtant, il le savait, avant ce jour, ces cuves ne représentaient qu’une vente misérable auprès d’un unique acheteur. Rien de très important en somme.
Puis l’espoir le frappa avec intensité. Ce type d’informations circulait à une vitesse phénoménale entre archilleurs, ce qui signifiait que peu d’entre eux avaient dû s’y intéresser. Peut-être restait-il une chance d’en dénicher un.
Allir se décolla enfin de son mur, les yeux écarquillés par les perspectives et un sourire victorieux aux lèvres. Direction la cité volante la plus proche : Nanléar.

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