Las et honteux de ses derniers forfaits, Carmin prévoyait son grand retour. Et pour cela, il se devait de porter une tenue adéquate. Un miroir de plain-pied accueillait donc son reflet changeant. Son visage s’éclairait avant de perdre de sa superbe. Les vêtements quittaient leur abri de bois clair, s’arrêtaient un instant devant lui et s’envolaient vers son lit. À droite, ceux qui à coup sûr ne participeraient pas à sa grandeur. À gauche, l’espoir perdurait. Carmin attrapa un nouveau pantalon, large cette fois-ci, et rouge bien entendu, le présenta, le lissa et approuva. Celui-ci reviendrait donc pour un deuxième tour.
Depuis toujours, une tenue d’apparat hantait ses rêves les plus fous. Désormais, l’argent ne lui manquait pas, il pouvait à loisir se confectionner une image, un personnage. Tous connaîtraient et reconnaîtraient Carmin, l’agent le plus célèbre du dieu du jeu et de la farce.
Un long tissu accroché dans la penderie attira brusquement son attention. Il balaya tout ce qui pouvait le gêner et attrapa la cape, qu’il envoya sans plus attendre sur ses épaules. Les cordons noués, Carmin s’admira, tournant légèrement d’un côté puis de l’autre. Un large sourire sur les lèvres, une posture héroïque s’imposa. Les jambes écartées, les poings sur les hanches, il ne tarda pas à défier du regard son reflet. Puis il le pointa du doigt, fier et inébranlable.
Son imagination le porta rapidement vers une course effrénée dans les rues. Il franchit un obstacle, s’esquiva, disparut dans un croisement et sauta par-dessus un muret, les jambes en avant, et se repoussa à l’aide de ses mains. Une grimace apparut alors sur le miroir. Bien sûr, la cape se coincerait sans doute sous ses doigts et Carmin finirait par terre.
Déçu, il abandonna le superbe tissu et le jeta sur la droite du lit.
Ne restait plus qu’un dernier vêtement à la bonne teinte. Il l’extirpa et l’observa d’un étrange regard. D’un cuir souple bien qu’un peu lourd, il se composait en plusieurs couches. Un peu dubitatif, il l’enfila malgré tout. Et comme un rayon de soleil traversant les nuages sombres de sa conscience, l’image qui se manifesta dans son miroir ne pouvait être autrement. Ce haut n’habillait que le torse et les bras, grâce à de larges manches courtes ouvertes sur l’intérieur. Une nouvelle épaisseur alourdissait ses épaules cachées par un col long et pointu.
Enfin, l’horizon se profilait. Le reste viendrait rapidement. Pas de doute là-dessus. Sans compter qu’avant de couvrir le roi de ridicule, une autre mission gentiment proposée par les hommes du duc l’attendait.