Où aller ?

Le liquide vital de quatre hommes coulait avec paresse de la lame de sa hache. Peu à peu, par gouttes fatiguées, l’herbe se colorait de ce rouge sombre. Sous le ciel étoilé, sa robe écarlate, fugace, rutilait de l’éclat des flammes du feu de camp. Peu importait, elle se dissiperait sous la pluie qui approchait. Alors, la terre se gorgerait et percevrait la saveur du fer.

Debout, le regard aspiré par l’astre immaculé, Mazy ressassait les paroles des guerriers. Trop effrayée à l’idée qu’elle réussisse, ou exécutrice d’ordres supérieurs, la childa avait dépêché des hommes à sa poursuite. Pour la dissuader, pas pour la blâmer. Face au refus que Mazy leur avait opposé, la virilité s’était éveillée, l’acier avait été tiré. La suite, la verdure pouvait l’attester.

Lucide, la guerrière réalisa qu’il lui était désormais impossible de dormir ici. Elle devait plier bagage et quitter les lieux. Elle prit tout de même le temps de fouiller les cadavres, à la recherche de quelques richesses, vivres ou habits peu abîmés. Et même si elle savait qu’Ourkess leur fermerait ses portes à jamais, elle s’accroupit et pria pour leur âme. Puis elle tira la cape du corps le plus proche pour essuyer sa hache, méticuleuse.

Alors qu’elle jetait de la poussière sur les flammes, le regard de Mazy se perdit au cœur des braises toujours vives. Après sa promesse crachée à la face du dieu de la guerre, et sa visite à la childa, que lui restait-il à explorer ? Quelle piste s’offrait à elle ? Elle serra la mâchoire, méditative. Avec l’aide de la guide spirituelle, elle savait avoir provoqué quelque chose, que ça ‘’ s’amorçait ‘’, pour répéter ses propres mots.

L’esprit de Mazy s’éveilla, comme frappé par la foudre. Sa bravade s’était propagée ! Pas par le biais des hommes, par celui des dieux. Ourkess était resté sourd, mais pas tous ses frères et sœurs. La childa le lui avait soufflé malgré elle !

Les braises, la légère pluie qui arrivait, l’odeur de la mort, la solitude. Tout cela disparaissait alors que Mazy cogitait.

« Pas tous ses frères et sœurs, murmura-t-elle. Pas tous ses frères et sœurs. »

Elle hocha la tête à plusieurs reprises, avec calme, puis la redressa, assurée, décidée. Elle devait savoir si la possibilité de dieux curieux s’avérait. Pour cela, quoi de plus sûr que de s’adresser à eux ? Submergée par la fierté, elle sourit. Si la caste des immortels lui refusait sa messagère, elle remplirait ce rôle à leur égard. Jamais mieux servie que par soi-même.