Assise à la sortie du village, Mazy recomptait le maigre trésor arraché au pillard de l’auberge. Le métal grelottait alors qu’elle lâchait la deuxième pièce, puis la troisième, et ce jusqu’à six. Six pauvres disques de cuivre. Elle fixa sa prise, celle promise pour l’aide qu’elle devait apporter, puis referma la bourse, dépitée :
« J’espère que ta petite troupe aura les poches mieux remplies », déclara-t-elle tout haut.
Le bougre resta muet. Il faut dire que sa carcasse ballottait au gré du souffle auroral, reliée à l’arbre le plus gros, séparée du vide par quelques décimètres. Mazy pariait sur la peur ou la colère que provoquerait cette vue à ses camarades. Tout guerrier qui se laissait asservir par ces états d’âme se fragilisait, s’affaiblissait, jusqu’à parfois s’avouer perdu. L’effet produit révélerait de quelle trempe était faite la soldatesque qui déjà approchait.
« Vous feriez mieux de partir et d’oublier ce village, leur cria-t-elle, ou votre folie vous guidera vers le royaume d’Amourth, le dieu des morts. Car Ourkess vous refusera sa demeure.
– Qui parle de folie, rétorqua le seul homme à cheval, toi qui te retrouves face à ma meute ? »
Mazy sourit, puis :
« Approche, et arrête de te cacher derrière tes femmelettes. »
Même de là où elle se trouvait, la guerrière put voir les joues de sa cible se colorer de rouge.
« Faites-lui regretter ça les gars ! Le village paiera juste après ! »
Le chef agita sa lame au-dessus de sa tête, hurla la charge, et demeura immobile à regarder ses hommes progresser vers la fêlée qui restait de marbre. Mazy jouait même avec sa hache, heureuse à l’idée du proche combat. Toutefois, lorsque la première vague se trouva à quelques foulées d’elle, la guerrière se leva, fit volte-face, et courut vers la place de la bourgade.
Arrivée à la troisième bâtisse, elle pivota sur sa droite et se faufila par l’espace laissé avec la quatrième. Peu de temps après, la mélodie lugubre espérée s’éleva derrière elle. Cloué par les villageois postés aux ouvertures à l’étage, chaque pillard qui l’avait suivie s’était vu assailli par plusieurs pieux improvisés. Déjà la mort prélevait sa prime.
Mazy poursuivit sa course, fit le tour de la demeure, passa par la porte de derrière, où elle croisa quatre courageux armés de pique, de fourche ou de hache, et grimpa l’escalier. L’homme le plus proche s’empressa de tirer le double volet qui servait d’habitude à hisser sacs et autres produits, pour lui offrir l’accès extérieur prévu. La guerrière, peu essoufflée, retrouva très vite le cavalier, massé avec sa troupe juste sous elle. Tel l’écho tardif de l’appel du chef des pillards, Mazy hurla à tous d’attaquer. La mort et le mépris, ou la vie et la gloire ! Après quoi, elle se rua vers l’ouverture et sauta droit sur le maître de ces misérables.
Assommé sur le coup, le bougre fut oublié de la femme qui épaula les villageois. Sa hache presque vierge s’abattit sur ses cibles, découpa le métal, le cuir, la chair et les os comme si elle fauchait le blé. Mazy jouissait du combat, esquivait, parait, frappait. Si Ourkess refusait toujours de l’estimer, Amourth la remercierait de peupler de la sorte sa terre.
« Rattrapez-les, hurla-t-elle alors que la débâcle des pillards s’augurait ! Il faut tous les tuer. »
Elle laissa passer l’attaque maladroite qui la visait, puis frappa.
« Pas de quartier, ou ça se reproduira ! »
– Fale Truie ! Mes vommes, mes vommes ! »
Le chef des pillards se releva, les doigts serrés sur sa mâchoire :
« Je suis Grug… Gru… Gru’thor ! »
Avec quelques petits carrés laiteux sur le sol à ses pieds, il articulait avec difficulté.
« Gru’thor ? Et ? se moqua-t-elle.
– Et ze vais te tuer ! »
Décidée, Mazy marcha vers lui, les doigts serrés sur le bois de sa hache.