Las

« Ourkess, cette victoire t’est dédiée. »

La voix de Mazy se faufila jusqu’au foyer du dieu de la guerre, pour éclater au milieu du hall. Cette simple phrase percuta les murs, frappa les piliers et fit vibrer l’air, alors qu’il demeurait seul au cœur de cette pièce vide. L’immortel ferma les yeux et posa la tête sur ses doigts repliés. Il essaya de rester calme, de maîtriser cette colère qui déjà déformait ses traits. Voilà trop de fois que cette femme se permettait d’assiéger sa place forte.

Et pourquoi ? Quelle gloire avait-elle tirée du massacre de cette pseudo meute de coupe-jarrets ?

Il rouvrit les paupières, juste pour la voir acclamée par des glaiseux dépourvus de valeur. Cela le fit presque sourire. Qu’elle poursuive sa route de médiocres triomphes, qu’elle rêve de rallier les audacieux, les vrais.

« Mais qu’elle se taise ! » hurla-t-il.

Sa propre voix le brava alors. À l’image de celle de Mazy plus tôt, elle ricocha sur chaque millimètre carré de la pièce pour raviver sa colère. Plus que cela, la multitude de trophées attachés sur les murs sembla se liguer pour le provoquer. La myriade d’yeux vides riait de sa perte de maîtrise face à cette femme qu’il jugeait fragile, lâche, et qui malgré tout persistait à perturber sa vie. Lui ! Ourkess ! Affaibli par cette frêle bidasse. Il agrippa l’accoudoir droit et serra les doigts. Serra et serra jusqu’à faire éclater le marbre bleuté.

« Faible ! » s’égosilla-t-il.

Il jeta à travers le hall sa prise, qui s’abattit par éclats sur les dalles, telle l’hilarité moqueuse des petits esprits chapardeurs. Voilà qui fit déborder le vase. Il frappa trois fois le repose-bras gauche, celui toujours vierge, et déclara tout haut :

« Serviteurs ! De la ferveur, je veux du spectacle. »

Cela devrait l’aider à oublier toute cette histoire. Pressé par l’idolâtrie, le luth amorça l’œuvre, vite rallié par les bombardes et les pipeaux. Sous peu, la rumeur des tambours s’éveilla, presque tapageuse, comme l’aimait Ourkess. Tel les batailles immémoriales, le rythme parut d’abord lourd. Il marquait le fracas du cœur au creux de sa geôle osseuse, lorsque l’armée rivale apparaissait hors du brouillard.

« Allez, distrayez-moi !

Le rythme accéléra, alors que la trame évoluait. Désormais, la tribu locale chargeait, l’écume au bord des lèvres.

« Plus fort ! »

Le fer brillait, puis se colorait de rouge. Peu importait de qui, le fluide vital s’attelait à couler pour abreuver la terre et l’herbe. Le bois des boucliers se lézardait, le tissu se déchirait, l’ultime cri vibrait. Tout se répétait. La mort, les cris, le cliquetis du métal…

Puis ce fut tout. Le calme reprit ses droits, comme après les batailles où chaque être se perd à la limite du rêve et de la réalité.

Malgré cela, la voix de Mazy resurgit.

 

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