La troisième requête

Assise seule à la table du chef du village, Mazy réalisa que depuis quelque temps la faim avait décidé de lui laisser de la marge. De même, la fatigue se faisait plus rare. Elle pouvait courir trois jours et demeurer presque aussi fraîche qu’au premier. Passé six, et le sommeil la rappelait tout juste à l’ordre, pour quelques heures. Suite à cela, elle repartait, reposée et prête à tout.

Avec cette vitalité élargie, la guerrière accueillit la ripaille portée par des serviteurs avec peu de joie. L’appétit refusait de s’éveiller. Sa gorge se serra, comme pour rejeter l’idée même d’avaler le plus petit tribut. Elle se força malgré tout, pour respecter le cadeau offert par les villageois. À cette théorie, Mazy tiqua et sourit au groupe lorsqu’il quitta la pièce. Elle se vit déesse reçue par ses adorateurs.

La porte se rouvrit peu de temps après, pour dévoiler le maître des lieux. Il s’excusa pour le retard, il avait quelques soucis à résoudre, puis la remercia d’être là. Découragé, il répéta ce qu’il lui avait déjà dit alors qu’elle dépassait tout juste la première bâtisse du hameau. Elle demeurait leur ultime dose d’espoir !

Depuis que Mazy avait dépêché ses messagers, c’était la troisième requête de la sorte qu’elle recevait. Et comme pour les autres, elle était prête à secourir ces hommes et ces femmes. Il fallait croire qu’elle désirait à tout prix assumer le rôle de déesse protectrice des faibles, ou alors, elle espérait juste être adorée et voir la voie vers Ourkess s’ouvrir. La guerrière était quelque peu perdue à ce sujet. Ce village aussi méritait de l’aide et elle pouvait la lui apporter, toutefois cela l’empêchait de trouver l’accès qu’elle recherchait.

« Je vous prie d’accepter ce repas », déclara le chef du lieu alors que Mazy semblait se priver.

Elle sourit et avala quelques haricots.

« De la bière peut-être, vous me feriez triomphe. »

Elle étira derechef les lèvres et y porta le liquide ambré. Quelques gorgées et elle reposa sa chope. Cela devrait suffire à le satisfaire. Après tout, Mazy rejetait l’idée de paraître hostile.

« Voilà qui me simplifiera la tâche. Je suis désolé, mais malgré ces belles histoires à votre sujet, je refuse de risquer la vie de mes villageois.

– Qu’est-ce que vous voulez dire ? » balbutia la guerrière désormais épuisée.

Les paupières lourdes, le corps avachi, elle se frotta les yeux pour rester à l’affût.

« Que celui qui garde muselés ces tueurs m’a fait l’offre du siècle. Je vous livre, et il déguerpit.

– Vous êtes… fou. Jamais, il… Vous allez payer pour… ça ! »

Terrassée par la fatigue, la tête de Mazy heurta le bois de la table, et elle sombra.

 

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