Désireuse d’oublier Amhtik, le Cri du Cœur, et le mal de tête qui la suivait depuis qu’elle avait ouvert les yeux, Mazy évoluait vaille que vaille vers les portes gardées. L’esprit embrouillé, la caboche martelée par tous les maillets du pays, et les pieds aspirés par la boue des petites allées créées par la rosée, la guerrière poursuivait sa route avec l’adresse des soiffards. Et pour sacrer le tout, la basse-cour locale semblait massée derrière elle pour rire de ses tracas.
Aveuglée par le soleil radieux, Mazy se protégea le visage du mieux possible. Les doigts levés pour seul barrage, elle retrouva la voie majeure et se dirigea droit vers les portes. Premier progrès, le sol avait cessé d’avaler ses bottes. Toutefois, le bruit de ses pas sur les pavés vibrait au cœur de sa lourde tête. Les yeux clos avec fermeté, elle poursuivit sa route sur quelques mètres, les rouvrit pour s’assurer de suivre le cap désiré, et réitéra jusqu’à trouver les gardes à la sortie de la ville.
« Alors, le réveil a été dur, déclara le même farceur que la fois passée ?
– C’est possible, maugréa-t-elle.
– Que ce jour vous soit favorable, ajouta l’autre alors qu’elle les dépassait.
– Merci, à vous aussi, réussit à articuler la guerrière. »
Puis elle partit, pas fichue de savoir pour où, et tout à fait hermétique à l’idée d’y réfléchir.
Lorsque le soleil fut haut, la faim avait creusé sa place et l’estomac de la guerrière lui hurlait de le traiter avec plus de respect. L’esprit tout juste clarifié par l’air pur, elle se dirigea dès lors vers la forêt située à quelques foulées de là, avec la douceur que requerrait sa vitalité boiteuse. Plus vite avalée par les arbres que prévu, Mazy accueillit la curieuse, mais délicieuse, odeur de la chair cuite au feu de bois. Elle se figea aussitôt, les yeux scrutateurs, les doigts posés sur le fer de sa hache.
« Vas-y. »
La voix claqua comme le fracas de la foudre, juste à côté. Mazy sursauta et s’esquiva au mieux. De justesse, l’arbre le plus proche la rattrapa et lui offrit l’appui primordial pour tirer sa lame.
« Après tout ce que tu as fait, c’est absurde de te balader comme ça. Tu risques de te faire tuer.
– « Bordel, vous êtes qui, jura-t-elle la tête secouée ?! »
– Tu cherches à me vexer, s’amusa le quidam ? Remets ta hache là où elle devrait être, et approche. Je sais que tu as faim et j’ai de l’eau pour toi, ça te fera pas de mal.
– Tu veux voir ce fer de plus près ? Dis-moi qui tu es ! C’est la deuxième fois, pas plus ! »
L’homme averti laissa tomber ses bras, déçu. Puis sa tête pivota sur la droite, et il se figea. Perplexe, Mazy profita de ce trouble pour se redresser. Plus sûre de ses appuis, elle dérouilla ses épaules par de petits cercles presque imperceptibles, puis afficha avec clarté sa faiblesse pour les combats.
« Je sais, la surprit-il ! Joue avec moi. »
Fatiguée, Mazy se frotta les yeux. L’homme qui lui faisait face paraissait tout à fait simple, pour éviter de dire ‘’ brave ‘’, mais elle avait autre chose à faire que de le distraire.
« Si tu trouves qui je suis, je t’offre le repas promis. Et pour le dessert, le coup de pouce qu’il te faut pour accomplir ta quête. »
Elle se figea.
« Ahaaa, s’amusa-t-il le doigt levé, je vois que ça t’attire tout à coup. Toutefois, qui suis-je ? »