Voici donc le deuxième écrit sur le monstre des collines. Dans celui-ci, vous suivrez la même scène que le précédent texte du point de vue de Bourti, le plus jeune des frères, qui, enivré de contes et légendes, tremble à l’idée de se faire manger.
Sa maman ne les aimait plus et elle les envoyait aux champignons uniquement pour que le monstre des collines la débarrasse d’eux. Lui, il le savait. Tous les contes où les enfants disparaissaient commençaient ainsi. Oui, il le savait, bientôt, le monstre surgirait et viendrait les croquer. Vivants ! Pourquoi leur maman voulait les faire croquer ? Il n’avait rien fait de mal. Bourti aidait souvent sa maman dans les tâches ménagères. Il lavait le linge avec elle dans le ruisseau où l’eau était très froide, il rangeait toujours les assiettes après les repas et son côté de la chambre qu’il partageait avec ses deux grands frères, Iélien et Albios, était propre. C’étaient eux deux qu’elle aurait dû envoyer, même si Bourti n’avait pas du tout envie que ses deux frères se fassent manger. Simplement, s’il y avait des enfants qui n’étaient pas très sages, c’étaient eux. Le plus jeune des trois frères entendit un bruit derrière lui et sursauta.
« Arrête d’avoir peur comme ça, s’énerva Albios qui avait dû partir aux champignons avec lui !
-Mais le monstre, il existe. Je l’ai vu.
-Et il s’est pas dit qu’il viendrait te croquer ? Un petit enfant comme toi, ça lui aurait fait un bon casse-croûte.
-Arrête.
-Allez, viens, il n’y a pas de monstre je te dis.
-Mais si ! Je…
-Oui, tu l’as vu. »
Pourquoi son frère ne voulait pas le croire ? Il l’avait vu pour de vrai le monstre, un gros loup avec des crocs gros comme des couteaux, avec de la bave et tout. Ses poils étaient tout noirs et longs. Rien que d’y repenser, Bourti frémit. Le monstre devait les regarder et s’amuser à les suivre. Bientôt, il viendrait les dévorer. Ça se passait toujours comme ça dans les histoires. Le loup aimait beaucoup regarder ses proies avant de venir les manger. Derrière quelle butte il était ? Regardant à droite et à gauche, Bourti suspectait le moindre relief, se demandant si le monstre des collines ne s’y cachait pas. Car si une partie du conte faisait peur au petit garçon, autre que celle où il devait mourir dans d’atroces souffrances, c’était bien celle qui décrivait le monstre comme un prédateur capable de se voiler derrière le moindre relief.
« Arrête de regarder partout comme ça, il n’y a pas de monstre. »
Pourquoi son frère n’avait pas peur ? Il y avait un monstre dans les environs.
« J’ai peur.
-Oui Bourti, je sais. Mais réfléchis, si tu ne cours pas, le monstre ne s’en prendra jamais à toi puisqu’il attend toujours que les gens se mettent à courir.
-Sauf les enfants ! Ils aiment manger les enfants, alors là, il attend pas le monstre. Il vient tout de suite nous manger. »
C’était bien vrai. Un homme au village le lui avait dit alors qu’il faisait des courses pour sa maman. Observant de plus belle les collines voisines, Bourti entendit un grognement sur sa droite. Il poussa un hurlement incontrôlé avant de se cacher près de son frère.
« Tu as entendu ?
-Non, de quoi ? »
Ne lâchant pas le bras de son frère, il se pencha pour regarder d’où allait arriver le monstre. Ses jambes tremblaient alors que son frère semblait sourire. Et, alors qu’il essayait de se détendre, un nouveau grognement se fit entendre.