L’idée pour ce texte m’est venue assez rapidement pourtant, le texte tel que je me l’étais imaginé a énormément changé durant l’écriture. Je ne vous raconte rien de l’histoire mais j’avais pensé à une course poursuite où le héros finirait par se cacher sur les toits. Et, fier de lui, il croirait se trouver à l’abri de son poursuivant. Du moins, jusqu’à ce que l’homme encapuchonné le rattrape.
Voyez la différence :
Sa prise en main, Amron rangea sa dague et continua sa route sans rien laisser paraître de son méfait. Que sa vie était donc facile avec une telle dextérité et une telle rapidité. D’un autre côté, ses talents ne lui étaient pas venus du ciel. Jour après jour il avait travaillé pour atteindre la perfection de chacun de ses mouvements. Et le choix, le choix de ses cibles était d’une importance presque aussi capitale que ses réflexes. Aussi, Amron changea de direction et se faufila jusqu’à l’entrée d’une petite ruelle. Là, il s’appuya contre la pierre froide et humide d’une maison et entama son repérage.
Les hommes, comme les femmes, aiment montrer à tous leurs richesses. Dès lors qu’ils font l’acquisition d’un nouveau manteau aux reflets chatoyants, d’une nouvelle cape brodée d’or ou parfois d’un nouveau cheval, ils se pavanent dans les rues pour se nourrir de la jalousie de leur entourage. Cependant, ce sont surtout les hommes qui attachent à leur ceinture leur grosse bourse pleine d’or. Comment alors peuvent-ils se plaindre que des personnes comme Amron viennent les en soulager ?
Observant les allées et venues, Amron étudiait ses cibles potentielles. Cet homme là, celui vêtu de rouge de pied en cape, était bien loin d’être dans le besoin. Il devait sentir la richesse même à côté de l’étal à poissons du vieux Bourgais. Les trois hommes en armes qui le suivaient de très près remplissaient parfaitement leur rôle d’empêcher quiconque de l’approcher. Même pour lui. Un autre intéressa le regard perçant d’Amron. Ses vêtements étaient d’excellente facture. Cette coupe droite et élégante, ces boutons en rubis. Sa tenue provenait du célèbre Verterant. Une marque de goût et d’excellence, et surtout de richesse. Pourtant, sa démarche droite, son poitrail puissant et ses épaules larges le rangeaient sans hésitation dans la catégorie des combattants. Sans doute vif et musculeux, cet homme deviendrait un problème en cas d’erreur. Et pourquoi pas celui-ci ? Ses vêtements étaient de bonne facture, de même que ceux de sa femme. Leurs bijoux étaient brillants et rutilants. Des bagues ceignaient chacun de ses doigts. Nul garde ne les surveillait et ils semblaient bien fiers d’eux-mêmes. Trop peut-être. Oui, en regardant de plus près, leur attitude, leur démarche, la manière dont ils se pavanaient. Tout cela était le signe de jeunes bourgeois qui ne possédaient pour unique richesse que ce qu’ils portaient. La bourse de l’homme ne devait en réalité contenir que du plomb pour donner le change.
Ah, enfin ! Il y avait bien cet homme qui étudiait les tissus vendus par la petite Laénne. Il était suffisamment riche et assez peu attentif, sa bourse était la promesse d’une belle journée achevée. Amron se détacha de son mur et, ne prêtant aucune attention à sa manche mouillée, il se dirigea vers sa cible. L’homme en question abandonna les tissus après un mot à la commerçante et s’enfonça dans la foule. Aucune crainte, Amron était habitué à cet exercice. Perdre, retrouver et perdre à nouveau les gens pour les rattraper était comme une seconde nature pour l’adolescent qu’il était. Du moins est-ce ce qu’il crut avant d’apercevoir dans la foule trois hommes de même carrure, vêtus à l’identique et ayant les mêmes cheveux que l’homme qu’il recherchait. Et alors qu’il accélérait l’allure, quelqu’un dans son dos vint lui attraper l’épaule. Il se retourna d’un bond, prêt à en découdre, mais l’homme qu’il pensait poursuivre lui parla sans une once d’agressivité.
« Jeune Amron, la guilde veut te voir, vient. »