Encore une fois, la situation du début et la fin étaient assez claires dans mon esprit. Le lieu fut quant à lui plus difficile à trouver. La mer m’a semblé plus logique quand j’ai réfléchi un peu plus à l’univers. Un volcan m’aurait bien plu mais dans un texte si court, cela aurait été bien plus compliqué.
La pêche n’était pas la passion d’Allir. Et pourtant, que faire d’autre en l’attendant ? Entouré de toute cette eau, il n’y avait nul autre passe-temps. Bien sûr, comme à chaque fois qu’il s’était trouvé en mer, il s’était d’abord vaguement reposé. Et comme à chaque fois, étourdi un instant, un long instant, par le cahot des vagues, le sommeil l’avait fui. Suivant son rituel, il avait ensuite contemplé les nuages, laissant ainsi ses yeux s’habituer à la lumière. Certes, ils étaient blancs, droits ou boursouflés, petits ou grands et de formes souvent étranges, mais ce n’était que des nuages. L’intérêt réel pour Allir n’était pas de les voir d’ici, d’en-bas, depuis la mer. Non, lui, c’était d’y entrer qu’il rêvait. Enfin, l’attente risquait d’être encore longue pour lui, l’Homme ne possédait pas d’aile.
Après un souffle d’impatience, Allir se redressa et s’installa confortablement sur son banc en bois sombre. Voilà, désormais, il ne lui restait plus que la pêche. Il se pencha en avant, et chercha, de ses deux bras tendus sous son banc, une caisse solidement attachée. Ses doigts finirent par rencontrer une sangle qu’il détacha tant bien que mal avant de passer à la suivante. La boîte enfin libérée, il l’attira au plus près de ses pieds avec un grognement sourd. Qu’elle était lourde. Qu’est-ce qui pesait un tel poids là-dedans ? Allir libéra les verrous et ouvrit son coffre. Il décala son casque et sa hache, un sac rempli de diverses potions, un lapin en bois, une trousse d’anneaux et ah, voilà, sa canne à pêche. Il en profita pour ramasser et poser à côté de lui un seau plein de petits vers qu’il ouvrit sans mal.
« Aelimoestri ». D’un mot nécessaire et connu de rares personnes, le fin bout de bois que tenait Allir dans sa main se mit à s’agrandir. Un fin faisceau d’or luisit en dessous, se transformant bientôt en ligne pour la pêche. Toujours amusé par cet effet, Allir regarda sa canne à pêche avec une certaine fierté. L’un des sept bâtons du grand Omeous Suoemo en main, il prit un ver et l’attacha à l’hameçon avant, d’un geste souple du poignet, de lancer sa ligne vers la mer. Le bouchon plongea dans l’eau avant de remonter rapidement. Il ne lui restait plus qu’à attendre.
Du moins est-ce ce qu’il crut avant qu’une colonne d’air ne soit expulsée hors de l’eau. Enfin, elle se réveillait. Heureux d’échapper à la pêche, il se plaignit tout de même qu’elle ait attendu qu’il sorte sa canne pour se manifester. Quoiqu’il en fut, il rangea son matériel et referma la caisse avant de la glisser sous son banc et de l’y accrocher. Ensuite, il attrapa la poignée qui devait refermer le sas, le tira jusqu’au bout et, juste avant de fermer l’habitacle, la prévint qu’il était prêt. Il ferma alors pour de bon la cloche de verre renforcée de tiges de métal et s’assit en hâte pour s’attacher en prévision des secousses. Car il y en eut lorsque Voliette, sa dragonne, s’élança sous l’eau à toute vitesse. Lorsque son élan fut suffisant, elle se propulsa et sortit de la mer. Ses ailes se déployèrent et les guidèrent, elle et Allir, vers les cieux. Ils allaient rejoindre les nuages.