Retrouvailles

Perché sur le balcon de la plus belle suite du Grand-Cru, Montégor Bambleck s’abîmait dans la contemplation des nuages. Là-haut, quelque part dans ce royaume infini, se cachait le secret qu’il aspirait tant à décrypter. Il songea un instant à ses plus que probables concurrents, à leur but commun, et à la somme colossale qu’il avait déjà dépensée pour engranger les informations en sa possession. Sans compter les demandes extravagantes de son mage, et la prime qu’il avait promise à celui ou celle qui le retrouverait.
La croisée des chemins lui faisait face. Ou le chercheur resurgissait rapidement et il poursuivait sur la voie, ou il s’écraserait sur le mur de la honte, et s’inclinerait devant le prochain maître des cités volantes. Face à cette déplorable perspective, seuls lui restaient la patience, et l’espoir. Ses doigts entourèrent le pied d’un verre empli d’un liquide ambré et léger, tandis que ses yeux se plissaient, désireux de trouver l’une de ces villes perdues dans le firmament. Montégor Bambleck savait pourtant pertinemment que ces merveilles demeuraient fixes et lointaines de Montcallord. Distrait, il huma le parfum de sa boisson, le laissa se faufiler par ses narines, glisser le long de sa gorge, puis en préleva un tribut.
« Seigneur Bambleck, l’interrompit l’un de ses hommes.
– Grunthor, répondit-il froidement, bien que sans animosité, je croyais t’avoir dit que je souhaitais rester seul.
– En effet, mon seigneur, mais l’un des pillards est revenu, et accompagné. J’ai pensé que cela pourrait vous intéresser. »
Frappé par la surprise et l’espoir, Bambleck perdit un instant de sa superbe avant de parvenir à remettre son masque d’impassibilité. D’un simple hochement de tête, il indiqua à son homme de le mener auprès de ses invités. Sans empressement, et auréolé de son manteau de dignité, il lui emboîta le pas. Ensemble, ils traversèrent le balcon, dépassèrent la chambre et pénétrèrent dans le salon.
Avec un sourire satisfait, Montégor nota bel et bien la présence de son mage. Toutefois, celle de l’archilleur Aljère le surprit quelque peu. Ou plutôt, l’absence d’Allir. Cela le déçut un instant, avant qu’il ne se concentre sur l’essentiel : sa pièce maîtresse retrouvait sa place sur l’échiquier.
« Maître Visil, vous êtes donc revenu à la raison.
– Mais quelle raison ?! s’agaça le vieux mage. Je n’ai pas arrêté de l’expliquer à ce malotru, à vos hommes aussi. Je ne me suis pas enfui ! Dans mon souvenir, vous m’aviez laissé carte blanche pour mes recherches. Une piste m’a éloigné de ma tour, voilà tout.
– Cela fait plus d’un mois que nous sommes sans nouvelle, poursuivit Montégor avec sa froideur coutumière.
– Un mois ? Mais pas du tout, j’ai quitté mon laboratoire il y a seulement… ah, sembla se remémorer le mage, j’aurais omis de répondre à vos messages ? Oh, mais vous savez, j’étais trop occupé à trouver votre billet pour le trône des cités volantes pour me préoccuper de cela. »
Montégor ne manqua pas le froncement de sourcils d’Aljère, bien que rapide. Il devait mettre un terme à cette conversation.
« Grunthor, dit-il à son homme de main, veux-tu mener notre ami Lisiv Visil dans une chambre où il pourra se reposer ?
– Non, attendez, je suis sur la bonne voie. Cet archilleur doit m’aider à trouver quelque chose caché dans une cité volante. Sans cela… »
Sa voix mourut au détour d’un couloir.
« Qu’allez-vous faire de lui ? s’enquit Aljère.
– Rassurez-vous, il va seulement se reposer un peu et nous expliquer ses dernières conclusions. Si ce qu’il dit est vrai, nous aurons peut-être bientôt besoin de vous, à nouveau. En attendant, maître Nouard, veuillez accepter la somme promise pour vos efforts, avec mes remerciements. »
Montégor frappa trois fois des mains. Quelques instants plus tard, un serviteur entra avec un coffre rempli de pièces d’or.

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