Nouveau chemin

Le vert du feuillage et des herbes hautes se mélangeait sans logique au bleu du ciel. Il dansait, tournoyait et mangeait son entourage avant de le recracher. De temps à autre, les ténèbres les plus complètes envahissaient cet étrange environnement, puis le spectacle diffus reprenait. Un instant, Allir sentit l’humidité qui imprégnait la terre autour de lui, ses vêtements, sa peau et probablement son être tout entier. Pourtant, il n’avait pas froid. Le soleil réchauffait sa vie et son corps de ses doigts d’or. Noyé dans la béatitude, l’archilleur souriait au monde.
Provenant des confins de l’inconnu, un puissant cri le frappa avec une telle rage que chacun de ses organes trembla. Allir crut qu’ils allaient exploser sans plus de cérémonie. Ses muscles se crispèrent, son cœur heurta sa cage thoracique avec tant de violence qu’il songea un instant qu’il refuserait de battre à nouveau.
Cet assaut prit fin de nombreuses et lourdes secondes plus tard, lorsque Voliette referma la gueule. Il en fallut autant à Allir pour se remettre et comprendre où il se trouvait, et comment il y était parvenu. Étendu à même le sol trempé, à côté de son hamac saccagé par le poids de l’eau recraché par la dragonne, il observait vaguement le ciel, le corps meurtri et couvert de bleus. Sa mâchoire se crispa sous la douleur lorsqu’il fit l’effort de tourner la tête pour la fixer droit dans les yeux.
Visiblement, une étrange colère bouillonnait en elle. S’il pouvait la ressentir ainsi, sans contact physique, cela ne pouvait que signifier qu’elle lui en voulait tout particulièrement. Dans son regard profond et lumineux, Allir trouva la honte, le dégoût et l’absence totale d’indulgence. S’ajoutait à cela la touche hautaine qui caractérisait ses pairs, mais par trop décuplée au goût de l’archilleur. Il se sentit plus pathétique que jamais. Voliette opina du chef, comme pour approuver ses pensées intimes.
Les deux êtres se connaissaient trop bien pour se cacher de tels sentiments, elle lisait en lui comme dans un livre ouvert désormais. Les minutes s’étirèrent entre le bipède et l’écailleuse, comme une conversation muette, un débat mental houleux. Puis Allir comprit enfin. Voliette lui avait laissé suffisamment de temps pour se morfondre, accepter sa défaite, et la digérer. Il lui fallait dès à présent relever la tête, se redresser et repartir vers une nouvelle aventure !
Ou alors…
Un léger sourire marqua les lèvres de l’archilleur. Rien ne l’obligeait à baisser les bras. Après tout, un même lieu est souvent accessible par de nombreux chemins. Le sien serait peut-être plus tortueux. À lui de se hâter pour ne pas finir bon dernier. Armé d’un courage grandissant, il croisa à nouveau le regard de Voliette, qui cette fois sembla approuver, jusqu’à vouloir le presser. Elle approcha sa tête de son corps toujours étendu au sol, et commença à gratter sous lui pour le pousser à se lever.
Allir grimaça sous le manque de délicatesse de la dragonne, et les douleurs qui se réveillèrent. Recevoir une telle quantité d’eau en si peu de temps laisserait des marques cuisantes, pour quelques jours, assurément. S’armant de courage, il serra les dents, s’agrippa tant bien que mal aux écailles, et se fit remonter sur ses pieds tremblants.
Désormais, ne lui restait plus qu’à rejoindre sa demeure, triste résultat d’une tentative ratée de tour de mage, et à se remettre au travail.

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