Merveilles

Trois cuves, Allir détenait désormais trois cuves, et un sac plein de cristaux ! Pas moins, et cela aurait pu être plus ! L’archilleur n’en revenait tout simplement pas.
Confortablement installé dans sa nacelle, bercé par les battements d’ailes de Voliette, il admirait sa prise avec tant d’engouement qu’il dansait presque sur place. Il se frottait les mains, les frappait entre elles, puis les frottait à nouveau avec un sourire enfantin. Son corps tremblait d’excitation. Comment aurait-il pu en être autrement, il avait face à lui pas moins de trois cuves en parfait état !
Conscient de se répéter, Allir essayait de songer à autre chose, à n’importe quoi ! Le ciel dans lequel il baignait, les nuages environnants. Mais rien ne parvenait à le détourner de ces merveilles dénichées dans une salle sombre, quelques étages en dessous de celle, démesurée, qui avait refusé de fonctionner. Là, parmi les ombres et la poussière, un laboratoire qui servait visiblement à fabriquer des cuves s’était ouvert à lui. Rien que d’y repenser, il bondit pratiquement de joie.
Agacée par ses sautes d’humeur, Voliette vira sèchement pour le faire tomber à la renverse. Allir s’écrasa contre la paroi de sa nacelle en se cognant la tête, réveillant ses douleurs récentes :
« Hey ! s’écria-t-il. Ça va, oui ?! Tu n’es jamais contente, bouda-t-il faussement. Quand je déprime, tu m’assommes avec l’énorme seau qui te sert de gueule, et quand je suis plus heureux et motivé que jamais, tu es prête à me jeter par-dessus bord. Il va falloir que tu te décides. Après tout, c’est de ta faute si je me suis mis en quête d’une cuve. »
Pour toute réponse, la majestueuse créature écailleuse tangua doucement. Allir sourit.
Le message passé, l’archilleur tourna le dos à ses trouvailles pour fixer son regard sur Nanléar, qui s’éloignait paisiblement.
Dans un sens, il enrageait de quitter cette cité. Il aurait dû faire sien ce laboratoire, où plusieurs étapes de fabrication se matérialisaient sous ses yeux. Cela lui aurait permis d’apprendre tant et tant sur les cuves, leur fonctionnement et probablement leur utilité. Toutefois, il ne disposait d’aucune réserve de nourriture ni d’équipement adéquat pour s’éterniser. Il avait donc pris ce que ses bras endoloris et blessés avaient accepté de porter, par sécurité, puis avait cherché un moyen de quitter la tour par un autre chemin. Il savait désormais comment entrer et sortir sans avoir besoin de se jeter dans le vide, il pourrait donc revenir à loisir.
Avec le recul, Allir se demanda pourquoi il ne s’était pas simplement attaché une corde autour de la taille avant de sauter. Enfin, ces tours qui demeuraient un secret absolu pour tous les archilleurs n’en avaient plus aucun pour lui. Et au vu de l’épaisseur des murs en leur base, il comprenait pourquoi aucune d’entre elles ne s’était ouverte avec le temps.
Heureux, il posa la main sur la paroi de la nacelle et sourit une nouvelle fois, comme pour remercier Nanléar de son égard. La seconde suivante, une puissante explosion bleutée naquit dans le quartier où il se trouvait quelques instants plus tôt, rasant tous les bâtiments alentour. Les yeux écarquillés et pleins d’horreur, Allir contempla le désastre . Le souffle balaya les nuages environnants. La déflagration les atteignit bien avant le grondement de l’énergie dégagée.
Voliette lutta de toutes ses forces, projetant l’humain de droite et de gauche sans ménagement. Durant de nombreuses secondes, la réalité d’Allir se limita aux ténèbres, à de violentes rencontres avec son fauteuil, son coffre, ou les parois.
Puis le calme revint. Il se releva maladroitement, pour constater l’ampleur de la catastrophe : Nanléar s’effritait, se désagrégeait. Elle tombait en morceaux et chutait lourdement à bas de son trône céleste.

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