La dérouillée

« Me défier ? » s’esclaffa Ourkess, qui refusait de croire que cette pauvre femme avait toute sa tête.

Elle devait délirer, ou alors, c’était lui qui avait mal compris. Pour sûr, elle avait tué sa première âme guerrière. Mais tout de même, l’immortalité l’auréolait, lui.

« Lâche », le jugea-t-elle.

Ourkess émit le bruit caractéristique de celui qui s’étouffe. Le goût amer de la défaite assaillit sa gorge. Il acceptait de croire que la stupidité soumettait Mazy et que le sort guidait sa hache lors des batailles, mais voilà qui faisait trop. Il serra les doigts et frappa l’accoudoir gauche. Si fort qu’il se brisa. Par ce geste, il équilibra les dégâts causés par sa colère passée.

Le dieu se leva, les mâchoires crispées. Sa rage sourde fit trembler les murs.

« La porte ! » hurla-t-il.

La totalité de ses corbeaux submergea le hall de sa demeure. Leur ombre, sombre augure, se pressa, se comprima, et créa le portail vers la terre des mortels. Ourkess ramassa sa masse d’acier et marcha du pas décidé des hommes sûrs d’eux, et courroucés.

Arrivé sur place, le vortex dissipé, il fit face à Mazy.

« Tu m’as provoqué », dit-il, aussi calme qu’il le put.

La femme l’observa, admirative. Pas avec les yeux des fous, des assoiffés ou des adeptes. Impossible de décrypter cette lueur qui se mesurait à lui. Ce fut trop.

Il la chargea et frappa de toutes ses forces avec sa masse. Mazy, prise par surprise, put tout juste lever sa couverture de bois. Le coup fut si rude que le bouclier explosa. La femme vola sur plusieurs mètres et hurla de douleur. La partie gauche de sa structure osseuse, broyée par la force du dieu, lui fit souffrir le martyre.

« Voilà, cracha Ourkess, voilà ce que ta stupide visée te coûte ! Tu croyais pouvoir tracer ta voie vers ma demeure ? Tu croyais rallier les braves ? Mais ma pauvre, tu rêves ! Que… déglutit-il alors qu’elle essayait de se relever. Qu’est-ce que tu fais ?

– Je… t’épouserai… quoiqu’il…

– Goûte ça ! »

Le dieu la frappa, plusieurs fois, au visage, au buste, avec rage et désir de détruire. La femme para au mieux, avec le seul bras qui lui restait. Puis il l’attrapa par le col, la souleva et la projeta avec force.

Armouth apparut, tel l’ombre parmi les ombres, et la saisit au vol. Toutefois, la chute de la guerrière l’obligea à reculer pour accuser le choc.

« Frère, se délecta Ourkess au vu de sa supériorité. Tu es la preuve que vous agissez au cœur même du royaume des mortels. »

Le dieu leva les bras vers le ciel.

«  Voilà tout ce qu’il me fallait. »

La foudre frappa le sol, à plusieurs reprises, pour chaque fois laisser apparaître le même type de colosse que celui tué par Mazy.

« Que fais-tu ? s’alarma Armouth, qui gardait la femme au creux de ses bras.

– Je croyais que faire disparaître Gormo serait capital pour briser ce cycle. Puis j’ai compris que vous étiez tous faibles. Empotés. Risibles. Vous êtes pas fichus de m’arrêter. Alors je vais faire ce que j’aurais dû faire depuis toujours. Vous fermer votre clapet et combattre. Me perdre au cœur de la bataille et jouir du désespoir de mes adversaires ! Ah, poursuivit-il le doigt levé, la voix emplie de rage. Savais-tu que je pouvais créer semblable portail partout où la mort de masse a frappé ? Adieux, Armouth, je te laisse ta poupée. Je crois que je l’ai cassée.

– Pitié, surtout… »

Sa voix mourut alors qu’Ourkess disparaissait.

 

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