Suite au chapitre précédent, j’ai proposé aux lecteurs qui me soutiennent sur tipeee de voter pour aider Chaltan à prendre sa première décision importante. Devait-il tenter de se faufiler entre les soldats du roi dans l’espoir de retrouver sa famille ou se lancer dans le sauvetage de son ami Vélor. Voici où cela nous a menés :
Ses pensées tournées vers sa femme et ses enfants, Chaltan observait Parse avançant prudemment vers le sarcophage que huit soldats s’échinaient à ouvrir. Pendant que la princesse Viguette se postait en hauteur pour couvrir son serviteur, d’autres guerriers s’étaient approchés, attirés par le bruit. Parmi eux, un chien colossal à la mâchoire carrée avait pris l’opération en main. D’un ordre sec et concis, il avait ajouté deux sous-fifres aux six déjà en place et envoyé les trois derniers chercher du renfort. Les choses s’étaient donc grandement complexifiées pour la souris et sa maîtresse.
L’hésitation empêchait le chat bleu d’intervenir. Chaque fois que ses muscles se tendaient, prêts à sauter dans l’arbre pour prêter main-forte au goéland coincé dans sa prison dorée, des images de sa famille voilaient son champ de vision. En se lançant dans ce sauvetage risqué, les chances de regagner son foyer s’amenuisaient. Les rires de ses enfants résonnaient, l’odeur de la soupe imprégnait ses narines, l’éclat jaune des yeux de sa femme teintait la forêt qui environnait Chaltan.
Ces souvenirs s’estompèrent brusquement au premier tintement du métal. En retrouvant la réalité, le marin découvrit Parse tirant sa lame hors de la chair d’un premier soldat. Deux autres étaient étendus au sol, chacun cloué par une flèche. Pendant sa rêverie, Chaltan avait manqué l’approche furtive de la souris autant que le signal de son assaut. Contrairement à lui, Viguette s’était tenue prête et était intervenue avec une vivacité et une précision mortelle. Sa main se referma sur la poignée de Grunthor, son marteau, tandis que sa lâcheté lui étreignait le cœur. Il avait beau se répéter en boucle qu’il n’avait rien d’un guerrier, que les combats de bar ou sur les quais ne ressemblaient en rien au massacre qui se perpétrait sous ses yeux, Chaltan enviait le courage de cette souris mal léchée et de cette princesse sans autre qualité supposée que l’apparence. Ensemble, ils affrontaient un ennemi en surnombre, dans le seul but de sauver un inconnu. Son ami.
Rien que dans le temps de cette réflexion, deux nouveaux hommes du roi avaient péri, pourfendus ou perforés. Dès lors, la position de force changea. La surprise passée, le molosse donna ses ordres. Tirant un pavois de son dos et le plantant dans la terre, il offrit un abri à un archer qui commença à viser la princesse. De son côté, Parse affrontait autant d’adversaires prêts à venger leurs camarades.
« Abandonnez, maître d’armes ! aboya le chien. Vous ne feriez peut-être qu’une bouchée de ces deux-là, mais je ne vous laisserai pas faire. »
Cette fois, il dégaina une épée à large lame et marcha sans peur vers Parse, dont l’arme ressemblait davantage à un cure-dent.
Au premier cri de la princesse, le sang de Chaltan bouillonna. Vélor prisonnier, Parse et Viguette aux prises avec la mort à cause de lui, il bondit du bastingage sans plan ni autre motivation que celle d’agir. Il envoya mille excuses à sa famille et leur promit de rentrer entier. Mais il fallait d’abord qu’il sauve son ami !
À peine atterrit-il sur la première branche qu’il courut droit vers la prochaine. Habitué à ce genre d’exercice, il évolua sans mal sur ce sol inégal. Les griffes de ses pattes accrochaient l’écorce et l’aidaient à maintenir son équilibre. Il descendit autant que le lui permirent les ramifications de l’arbre, avant de tirer son marteau et de sauter dans le vide, juste au-dessus du molosse qui défiait désormais Parse.