Feltune, la cité larvienne

Encadré par les cinq guerriers larviens, Chaltan se sentait comme un prisonnier en route pour l’échafaud. Si cette désagréable sensation s’était tarie un temps et qu’il en avait profité pour discuter un peu avec Vélor, la concentration soudaine des arbres lui noua l’estomac. La forêt se ramassait sur elle-même pour créer un véritable mur. Au contraire, la princesse Viguette semblait au comble du bonheur. L’émerveillement qui la gagnait rompait avec l’image de chef de guerre qu’elle s’était donnée lors de leur dernière conversation. Rageur, Chaltan se rappela qu’une amourette de noble l’avait conduit dans cette fâcheuse situation.

En approchant, le marin découvrit la véritable nature de la palissade. Mangée, ou plutôt camouflée, par un ensemble de lianes, de ronces épaisses et de buissons, elle se composait de larges troncs affûtés. Des pieux à la pointe mortelle sortaient de la verdure tous les mètres. En cas d’attaque, les défenses de la cité ne se verraient que trop tard, les assaillants s’y perdraient avant de comprendre ce qui leur arrivait. Chaltan songeait à l’effet qu’aurait une bonne dose de poix enflammée lorsque le prince Loëllic disparut dans un enchevêtrement de lierre particulièrement imposant.

Sans plus de cérémonie, Viguette le suivit, puis ce fut le tour de Parse qui refusa de se laisser distancer et de Vélor, qui répondit à l’appel de la curiosité. Chaltan hésita, toujours partagé sur cette histoire. D’autant qu’il sentait que cette ville ne recelait aucun moyen de retrouver sa vie et sa famille. Il céda pourtant à l’insistance polie des guerriers armés qui lui désignaient l’entrée secrète.

De l’autre côté des cinq mètres de végétation, Chaltan fut frappé par la stupéfaction. Ce qu’il avait devant lui n’avait rien d’un vaste ensemble de bicoques adossées chichement aux arbres et envahies de ronces. Des fleurs de mille couleurs piquetaient une herbe rase parsemée çà et là de grandes fougères. D’étranges sphères noires bordaient des chemins de pierre qui ondulaient en traçant des allées. Bâties dans l’épaisseur des troncs, les maisons semblaient faire partie intégrante des arbres et grimpaient parfois dans les hauteurs. L’écorce façonnait les murs percés de fenêtre. Souvent conique, le toit se composait de branches et de feuilles aussi douces que de la mousse. Là encore, la flore marquait son règne en tapissant joliment les racines et en créant des jardins colorés.

Cette découverte raviva dans l’esprit de Chaltan ses premiers voyages, la joie enfantine que lui procuraient les nouveaux horizons, les rencontres et les architectures variées. Un instant, il songea que sa famille apprécierait ce lieu, jusqu’à ce qu’il se rappelle où il se trouvait : dans un endroit sauvage et perdu dans une forêt. Loin de toute trace de civilisation. Sans compter la peau verte et les yeux entièrement noirs des larviens, qui le mettaient mal à l’aise.

L’approche de l’un d’entre eux, particulièrement impressionnant, ne l’aida pas à dissiper ce sentiment.