Pousser la porte

Imprégné par l’étrange aura des lieux, Allir poussa la porte de l’auberge avec la même délicatesse qu’une souris sortant de son trou. Comme s’il craignait de potentiels prédateurs, il jeta un premier coup d’œil discret. Quelques groupes de personnes se dévoilèrent à lui, discutant paisiblement autour d’un verre. Pour certains, un plateau où attendaient quelques hors-d’œuvre patientait au centre des lourdes tables en chêne. Visiblement, Allir ne risquait rien à poursuivre son chemin.
Toujours troublé par l’originalité de l’auberge, il n’en poussa pas moins la porte pour finalement se glisser dans l’ouverture. S’offrit alors à lui une vue plus précise de la salle principale. L’étroitesse de la pièce et la proximité des bancs le frappèrent de prime abord. Quiconque espérait se trouver une place devait se faufiler parmi les meubles et les piliers. Toutefois, la même paix qu’à l’extérieur, la même douceur, le même bien-être régnaient.
Accrochés aux parois couvertes d’un lambris clair et mieux entretenu que sur la terrasse, des tableaux, tantôt réalistes, tantôt cocasses, des cartes et des trophées masquaient presque l’intégralité des murs. Parmi ces œuvres trônaient des illustrations au fusain, tracées patiemment sur du parchemin et protégées sous verre. Éparpillées dans la pièce, de nombreuses tours de mage prenaient vie. Suivant un processus identique, l’auteur les avait dessinées sur toute leur hauteur, avant de les entourer de certains détails. Ainsi la porte principale, parfois des runes, des fenêtres ou des gargouilles, prenaient vie à gauche, à droite ou dans un coin du support. Quelques pointes de couleur apparaissaient en de rares occasions. Même sans cette aide, Allir reconnut sans mal la Tour du Soleil Vert, visitée peu de temps auparavant.
Ses yeux continuèrent de glisser sur les murs, pour rapidement s’arrêter sur un manuscrit savamment tracé. Amorcé d’une lettrine d’un bleu profond et encadrée de dorures, voici ce qu’il révéla :
Mon premier est un animal qui chasse la vermine.
Fatigué de ce genre de farce, l’archilleur abandonna vivement son étude pour finalement se frayer un chemin jusqu’au comptoir. Toutes les personnes qu’il croisa, habitués ou gens de passage, levèrent les yeux pour le saluer poliment. Curieux pour une auberge du coin. Ce respect se retrouvait plus généralement dans les terres du nord. D’abord surpris, Allir ne répondit pas moins à chacune de ces marques d’attention, d’un léger hochement de tête.
Enfin, il parvint, à force de tours et de détours, au fond de la pièce. Là encore, la décoration plongeait les invités dans un autre univers. De nombreux messages de remerciement ou d’appréciation couvraient les murs, aux côtés de tableaux plus petits, de grigris et autres cordelettes torsadées. Allir, les ongles tapotant le comptoir arrondi, attendit un instant que le propriétaire des lieux se montre. Il tourna la tête vers les personnes attablées. Rien, pas de réaction non plus. Une clochette de porcelaine finement peinte, placée à quelques centimètres de ses doigts, sembla l’appeler, nourrir une fois de plus sa curiosité et attiser son intérêt.
Après un deuxième et dernier coup d’œil vers l’assemblée disparate, et au vu de l’absence d’un quelconque aubergiste, il attrapa la sonnette. À son contact, les bordures de l’objet s’illuminèrent.


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