Un souffle chaud et puissant le tira brusquement de sa torpeur. Les yeux clos, le front et les paupières plissés par le désir de replonger dans le sommeil, Allir se sentait loin de la réalité, ancré dans un monde onirique et avenant. Comme muni de la même volonté, le reste de son corps refusait de lui obéir, alourdi par des heures d’une immobilité glaciale.
Un second soupir d’impatience le fit sursauter, et ouvrir les yeux. Un instant ébloui par la lumière filtrée d’un lever de soleil, le museau de Voliette lui apparut finalement, à deux pieds seulement de sa tête. Par réflexe, l’archilleur se protégea de ses deux bras puis roula sur lui-même, avant de se calmer et d’essayer de comprendre la situation.
Le visage engourdi et plissé par l’ensommeillement, Allir se découvrit au milieu d’une forêt de résineux. Après une rapide introspection, il se demandait toujours quand et comment il avait atterri ici, au sens propre du terme. Ses yeux se levèrent, comme pour trouver une raison à sa présence en ce lieu. Rien ne lui vint, aucune bribe de souvenir ne l’éclaira.
Naturellement, son regard se tourna vers Voliette, qu’il salua au passage.
La dragonne lui répondit en inclinant la tête, visiblement désabusée. Elle réagissait souvent ainsi lorsqu’elle n’approuvait pas totalement son comportement. Aussi Allir comprit-il qu’il avait sûrement fait une bêtise, ou agit sans penser à toutes les conséquences. Ce n’était malgré tout pas dans ses habitudes. Ce trait d’ironie soutira une nouvelle vague de dédain de la part de la majestueuse créature qui l’accompagnait. Pourtant, elle lui indiqua l’étui à rouleau perdu dans les épines roussies non loin de lui.
Intrigué, Allir se pencha maladroitement et ramassa le tube de cuir sombre. Toujours freiné par les chaînes du sommeil, il libéra les attaches, ôta le capuchon et extirpa le feuillet enroulé à l’intérieur. Après l’avoir déplié, le mystère s’épaissit. Très vite, l’archilleur reconnut son écriture, sans toutefois se rappeler quand il l’avait préparé et déposé là.
Les réponses lui apparurent enfin lorsque ses yeux survolèrent le parchemin.
Selon ses propres mots, il avait employé le pouvoir de l’Instant pour reconstituer l’atelier du mage et jouir du calme nécessaire pour l’observer à loisir. L’anneau s’était alors nourri de son souvenir, et l’avait extirpé de sa mémoire, ainsi que tous ceux qui suivirent.
Voilà donc pourquoi Allir ne parvenait pas à comprendre sa présence en cette forêt. Voilà pourquoi il ne reconnaissait pas les arbres qui l’entouraient. Et enfin, voilà pourquoi Voliette le considérait avec autant de mépris.
Sa curiosité le poussa à reprendre sa lecture. Ainsi, Allir avait trouvé un élément qui se détachait, une piste plus que probable. Parmi les quelques livres ouverts, tableaux, schémas et résidus d’expériences, un fil à suivre apparaissait.
Allir ignorait par quel moyen, le mage était parvenu à démanteler des tubes provenant des cités volantes. Tous les connaisseurs en avaient déjà vus, sans y accorder le moindre intérêt. Or, Allir vit qu’ils cachaient un cristal. Dès lors, un chemin se dessina dans son esprit, rapidement confirmé par le parchemin qu’il détenait. Cela ne prouvait en rien son idée, toutefois, il sourit en songeant qu’il formulait la même théorie une seconde fois. Ainsi, par ses observations, l’archilleur pensait que le mage s’échinait à alimenter les pierres grâce à celle de la Tour du Soleil Vert. Or, d’après ce qu’il avait pu décrypter des carnets, toutes ses tentatives avaient échoué. Visiblement, la technologie des cités volantes différait des arcanes, en dépit de leur point commun : Le pouvoir des cristaux semblait jouer un rôle important pour les deux techniques.
Avant de sombrer dans le sommeil, Allir avait laissé une indication sur un artefact trouvé un jour, et qui ne contenait que des tubes similaires à celui du mage. Esquinté et jugé inutile, seul le célèbre Musée des Anciens avait accepté de se l’approprier.
Peut-être cela valait-il le coup d’y jeter un œil.
