Ouvrir la porte

Après une dernière vérification d’usage que la porte refusait bel et bien de s’ouvrir, Allir s’accroupit à proximité et libéra son sac d’anneaux de son cordon. Piégées par le tissu sombre, les pierres précieuses se mélangeaient à l’or, l’argent et parfois le cuivre. Souvent ciselés, toujours magnifiquement ouvragés, ces artefacts recelaient de pouvoirs découverts et maîtrisés au fil du temps, et d’essais plus ou moins concluants. Les mages, autrefois véritables piliers des nations, gardaient jalousement le secret de leur compréhension. Heureusement, l’archilleur avait su apprendre quelques notions dans ses jeunes années, et les développer au fil de ses fouilles.
Les yeux rivés à l’intérieur, Allir agita le sac et vit passer la Liqueur d’Aèrdon Nodréa, capable de changer l’eau en vin, l’éclat d’azur du Grand Froid, ou encore l’anneau du Titan, qui décuplait la force physique de son utilisateur. La puissance de ces merveilles dépendait toujours de celui qui les manipulait.
« Autant dire qu’un néophyte n’accroîtrait pas ses muscles à l’aide du Titan davantage qu’en mangeant une bonne soupe », avait-il lu dans l’un des manuscrits cryptés trouvés dans une tour.
Son riche passé d’archilleur et sa finesse d’esprit l’avaient poussé à accumuler des connaissances et à les engranger, à les comprendre. Grâce à cela, il disposait en cet instant de tous les outils nécessaires pour ouvrir cette ultime porte.
Avec un sourire plein de fierté, il puisa dans sa réserve un anneau d’argent ondulé orné d’une pierre aux reflets de terre brûlée, qu’il enfila précautionneusement à son index. Avec ça, aucune chance que cet obstacle lui résiste.
« Alind’hé, susurra-t-il. »
Rapidement, comme un fleuve libéré de toute entrave, la magie de l’artefact se mêla à son être, se glissa dans ses muscles, son sang, son cœur. Allir sentit le souffle chaud d’un volcan imprégner chaque parcelle de son corps. Il inspira profondément, puis bloqua sa respiration, comme pour endiguer cet afflux soudain. Enfin, il expira et se laissa assimiler.
Riche d’une nouvelle aptitude, l’archilleur s’approcha de sa cible et toucha du doigt la fente entre la porte et son cadre. Quelques instants de concentration s’écoulèrent avant qu’il n’agisse. Après tout, son plan ne prévoyait pas simplement de libérer la magie de l’anneau à tort et à travers. Lorsqu’il se sentit prêt, il se focalisa et déposa le pouvoir canalisé. En hâte, il réitéra l’opération en trois autres points-clés et courut se mettre à l’abri.
Tassé derrière un débris plus haut qu’un homme, les mains plaquées sur les oreilles, il osa un coup d’œil. Quatre petites explosions naquirent autour de la porte.
« Bien, allons voir ça maintenant. »
Sa joie fut tranchée nette par la déception lorsqu’il réalisa son échec. La maison refusait toujours de le laisser entrer.
Il s’agaça un instant avant de transformer cette épreuve en véritable défi. Il enfila le Grand Froid, jeta de l’eau sur le cadre de la porte et gela le tout, espérant briser les gonds. Sans effet. Allir commençait à comprendre pourquoi il se trouvait face au seul bâtiment inexploré de Méaknar. Sa force décuplée grâce à l’anneau du Titan ne fut malheureusement pas plus concluante que ses tests suivants.
Las, sa vitalité amoindrie, il expira sa défaite en se laissant tomber contre le mur. Enfin, ses yeux se levèrent pour se poser sur Voliette.
« Quoi ? souffla-t-il, vexé par la lueur de moquerie présente dans le regard de la dragonne. J’ai tout essayé, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Bon, d’accord, poursuivit-il face à l’étrange insistance de sa compagne d’aventure. Mais ça va être moche. Très moche, et tu le sais. »


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