Instant de faiblesse

Les épaules basses, le pas lourd, Allir poussa gauchement la porte du magasin de Monjrau. Abattu par la déception et la défaite, il observa le dos d’un client en pleine négociation, avant de s’en détourner. Semblable à une âme en peine, il erra autour d’une étagère emplie de babioles anciennes. Ses yeux glissaient sur les artefacts sans s’y attacher le moins du monde. Son esprit, embrumé par l’échec et le manque de perspective, se perdait dans les méandres du doute.
« Allir ! » le héla-t-on.
Trop profondément enfoui dans ses ténèbres pour vraiment sursauter, l’archilleur observa son environnement un instant. Visiblement, le client avait quitté les lieux. Il ne restait personne d’autre que lui et le propriétaire. Il haussa les épaules, puis se traîna vers le comptoir.
« Je commençais à me demander si tu referais surface, j’ai quelque chose pour…
– Pas maintenant, souffla Allir, s’il te plaît.
– Eh ben, qu’est-ce qui t’arrive mon vieux ? »
– Pour être honnête, je suis un peu perdu. »
L’archilleur s’accouda au comptoir, la tête tournée vers la fenêtre, l’esprit perdu au loin. Puis, d’une traite vaguement entrecoupée de regards lourds de sens et autres preuves de sa lassitude, il conta son aventure. Il mentionna la réunion au Grand Cru, révélée par Monjrau, l’énigme et la visite de la Tour du Soleil Vert. L’incendie omis, il poursuivit par ses dernières pistes et sa trouvaille prometteuse au Musée des Anciens. Malheureusement, les traces de son homme s’estompaient en cet endroit précis. Juste devant l’étrange cuve.
« Voilà donc où j’en suis, conclut-il. Nulle part.
– Hum, le contra Monjrau, pas sûr. Je ne sais pas par quel miracle tu es venu te plaindre chez moi, mais j’ai peut-être quelque chose pour toi.
– Dis toujours. »
Peu convaincu, l’archilleur se tourna finalement vers son interlocuteur avant de se montrer prêt à écouter.
« Un type un peu fou, si je peux me permettre, est venu me voir peu après ta dernière visite. Quelques heures tout au plus. Il cherchait un artefact en particulier, une cuve avec des tubes à l’intérieur. »
À la mention de ce détail, Allir redressa vivement la tête et écarquilla les yeux.
« Ah ! s’amusa le receleur. Quand j’ai entendu ton histoire, je me suis bien dit que ça pourrait t’intéresser. J’ai essayé de t’en parler à ton arrivée, mais tu semblais tellement occupé à te morfondre.
– C’est bon, tu as toute mon attention.
– Merci. Comme je n’avais pas ce qu’il cherchait, et qu’il connaissait mes relations avec les meilleurs pilleurs des cités volantes. Pardon, archilleurs, s’amusa-t-il. Il m’a laissé une petite note. Mais sans vouloir te décourager, elle n’a aucun sens. Enfin, quand je l’ai montrée à Aljère, il semblait satisfait.
– Tu l’as montrée à Aljère ! s’étrangla Allir.
– Bien sûr, j’ai un établissement à faire tourner. Attends un instant, je vais chercher le message. »

suivant2    

n'hésitez pas à laisser un commentaire