Se fermant à l’esprit tourmenté de l’humain, Voliette glissait dans l’air au ras de l’eau. Les vagues se fendaient sous son passage, l’embrun jaillissait et assaillait son corps écailleux. Joueurs invétérés, des dauphins s’échinaient à la suivre, surgissant hors des flots clairs pour mieux y replonger. Leur chant, étrange mélange de joie et d’espièglerie, l’accompagnait un temps avant de s’estomper au loin, lorsque plus malicieuse qu’eux elle frappait puissamment le monde de ses larges ailes. Dès lors, nul être ne pouvait la défier.
Malgré ses tentatives d’isolement, des images filtraient hors de l’esprit du bipède pour assaillir le sien, et troubler sa quête de paix. Elle le voyait au cœur de l’un de ces pics noirs et tortueux qui crevaient la terre. Symbole de la folie des humains et de leurs espoirs infondés de maîtriser des arts qui ne leur étaient pas destinés, ces tours avaient déjà par trop puisé dans les forces de ce monde qu’ils foulaient.
Que pouvait-elle y faire ? Fondre sur les milliers de leurs semblables ? Les anéantir jusqu’au dernier ? Rassembler ses propres frères et sœurs pour résoudre cette question à jamais ?
Voliette baissa la tête et heurta violemment une vague pour se rafraîchir les idées. Le choc la secoua un instant, sans toutefois parvenir au résultat escompté. Si la paix ne regagna pas son esprit, au moins sa colère naissante se tut-elle.
D’une part, et en dépit de sa fierté, elle savait que les tours d’obsidienne résistaient aux flammes des dragons. Les humains avaient créé une œuvre capable de tenir bon face à la puissance des écailleux. Et d’autre part, ils ne pouvaient juger les bipèdes si vite. Un temps d’étude avait été consenti. Pendant que certains les observaient de loin et plus largement, d’autres, comme Voliette, avaient forgé un lien étroit pour mieux les comprendre, au cas par cas.
Jusque-là, elle s’amusait plus qu’attendu.
Du moins jusqu’à ce que l’esprit torturé d’Allir ne l’assaille à nouveau. Les yeux de Voliette s’emplirent de visions de parchemins éparpillés, de curieux penchés sur des tables à la recherche d’indices, et d’artefacts. Puis cet homme à l’origine inconnue apparut brusquement. Un sourire narquois et des pupilles sombres sur un visage aux traits droits. Une fine moustache habillait un nez étroit, tout en pointe. L’aura de Bambleck enflait à chaque battement de cœur du dragonnier, jusqu’à occuper toute la place possible, et déborder.
Voliette secoua la tête pour chasser cette attaque mentale.
Les mâchoires serrées par la colère, elle plongea promptement l’extrémité de son aile gauche dans l’eau et en projeta vers le sas ouvert de l’humain. Surpris, il oublia instantanément son tourment et grogna faussement vers elle. Au fond, elle sentit qu’il la remerciait pour son aide. Elle suivit ses nouvelles pensées, qui dérivèrent vers un nouveau vélin, vers un nouveau mystère.