Bercé par les battements d’ailes d’Anktor, Aljère observait Avizaar, la plus grande cité volante connue, avec une appréhension croissante. Sa seule piste pour contrer Bambleck et les siens se dessinait plus précisément à chaque seconde. Si ce dédale de rues périssant, si cet assemblage de bâtiments en ruine n’agissait pas tel qu’il l’imaginait, quel autre espoir se présenterait à lui ? Combien de temps lui resterait-il ? Et quelle considération Allir aurait-il envers lui ? Aljère tourna la tête sur sa droite. Le premier archilleur l’observait, plus convaincu peut-être que lui-même.
Dans le musée personnel d’Allir, avec ce livre ouvert entre les mains et la fameuse illustration sous les yeux, Aljère avait émis l’hypothèse que le centre du réseau ainsi formé ne s’apparentait à rien de moins que la cité mère, le noyau de cette civilisation céleste. Avec un peu de chance, les informations partant d’Avizaar altéraient le comportement de toutes les villes. Jouer une nouvelle mélodie en ce point névralgique le modifierait aussi partout ailleurs.
En ce cas, leur quête serait peut-être plus simple que prévu. Sinon, eh bien, les risques seraient plus grands, le temps d’agir, plus long. Probablement trop. Si du moins il leur en restait.
Alors qu’il songeait au possible désastre, une lueur s’éveilla dans la cité qui leur faisait face, puis une autre et encore une autre, au sommet des différentes tours. Intrigué, voire inquiet, Aljère se tourna une nouvelle fois vers son confrère, qui haussa ostensiblement les épaules. D’un commun accord, ils se préparèrent au pire, leurs dragons sur la même longueur d’onde.
Rapidement, les points lumineux s’intensifièrent, et fondirent sur eux comme autant d’éclairs. Puisant dans ses réflexes, Anktor vira sur le côté pour esquiver le tir. Aljère, surpris par une telle manœuvre, s’écrasa sur la paroi de sa nacelle. Avant qu’il ait pu éprouver toute l’ampleur de la situation, de nouveaux projectiles fusèrent vers les créatures majestueuses. Les ailes qui le portaient battirent vivement pour monter, se faufiler sur la droite, sur la gauche. La réalité s’évapora tout à fait à l’instant où elles se refermèrent, s’enroulant l’une sur l’autre autour de la cage thoracique du dragon. Aljère ne put dès lors dire où se trouvait le haut du bas. Le nord, disparu. La masse de pierres qui flottait peu avant face à lui se situait désormais à des lieues dans le ciel, ou à quelques centimètres seulement. Seuls des flashs de lumière ponctuaient les manœuvres folles d’Anktor.
Le calme revint aussi brusquement que la violence de l’atterrissage forcé qui le suivit.