Droit dans son armure étincelante que le soleil matinal embrasait, il tentait d’apparaître fier et sûr de lui. Pourtant, aux yeux des cavaliers qui l’entouraient comme des siens, sa place ne se trouvait pas sur un champ de bataille. Et nulle astuce, nul subterfuge ne pourrait changer cela. La vraie force du prince Clorace lui venait de son intelligence, non de sa connaissance de la guerre ou des armes. Espérant gagner un peu de la confiance qu’il sentait à des lieues de ces hommes fraîchement assignés à son commandement, il les observa tour à tour. Et d’un regard qu’il voulait éloquent, il tenta de leur transmettre sa volonté de ne pas faillir. Si les jamures devaient parvenir à franchir la porte du soleil, la peur ne le freinerait aucunement. Il élèverait son épée et lancerait la charge, prenant la première place. Cette cité ne tomberait pas à cause de lui !
Une nouvelle volée de flèches s’échappa des remparts, la dixième depuis le début des hostilités, depuis que les tambours ennemis avaient entamé leur chant terrifiant. Et sans ce bruit assourdissant, ponctué par la libération de la corde des arcs ou le tir des armes de siège, le calme pourrait imprégner les lieux d’une bien étrange façon. Tous ces hommes de guerre dans les rues autrement vides. Cette situation paraissait irréelle.
Oubliant le présent, n’entendant pas la première frappe sur la porte dont il avait la charge, Clorace se questionna sur les jamures. Comment espéraient-ils gagner ? Sans machine pour attaquer les murailles, les défenses d’Argogue ne faibliraient pas. Ils traversaient le champ de bataille pour venir s’écraser devant l’entrée de la ville. Même leur bélier semblait inoffensif face à l’épaisseur de bois et de métal qui les attendait.
Des acclamations s’élevèrent en contrebas. Clorace secoua la tête pour se recentrer et peina à croire ce qu’il voyait. La porte du soleil s’ouvrait. Rien ni personne ne l’avait brisée, elle offrait simplement un accès aux jamures. Elle les invitait.
Dès lors, leurs ennemis s’engouffrèrent, désireux de venger leurs camarades tombés devant les murailles, d’en finir avec cette guerre vieille de plusieurs décennies, ou juste de massacrer.
Entendant le tintement du métal contre le métal, et les premiers cris des siens, Clorace perdit le contrôle de son propre corps. Ses poumons se gonflèrent avant de se figer. Sa main enserra la poignée de son épée, tira sa lame au clair puis l’éleva au-dessus de sa tête. Et sans un regard en arrière, il hurla la charge en talonnant sa monture. Trop tôt.
Le choc fut violent, les jamures ne purent rien contre la puissance des chevaux. Ils tombaient, frappés par les cavaliers qui creusaient un large sillon dans leurs rangs. La porte fut aisément dégagée. Malheureusement, Clorace n’ayant pas attendu que suffisamment d’assaillants pénètrent, son offensive s’acheva hors de l’enceinte de la ville.
Rapidement, une contre-attaque les fixa sur place, et les avala.