Le sourire aux lèvres, presque euphorique, Ourkess gardait les yeux clos, les sourcils arqués, à l’écoute de la mélodie des cris de désespoir des mortels. Sa tête remuait avec délice, bercée par les prières éperdues et les gargouillis de viscères mis à jour.
Les souffreteux. Les cafards. Cette espèce disparaissait avec le charme qui lui seyait.
Quelle joie, quel régal. Après tous ces siècles à écouter et à respecter la parole de ses frères et sœurs, à rêver de l’ultime bataille, à se laisser duper, le dieu de la guerre se libérait de leur emprise. Il amorçait le combat qui modifierait la surface de cette terre risible. Il subrogeait l’ordre des choses. Il saisissait la place qu’il méritait. Il triompherait. Lui seul, pour lui-même !
L’immortel, heureux et fier, rouvrit les yeux et admira depuis sa demeure le massacre avec légèreté. Il devait durer quelque temps, pour que le goût qu’il avait à la bouche subsiste. Il voulait savourer cette étape qui précédait sa tutelle future. Il méritait ce plaisir, et il se l’appropriait.
Toutefois, le désir s’éprit de lui. L’idée d’attraper sa masse le titilla. Pour que ce trouble cesse, toute forme de vie pathétique devait être supprimée, le tri achevé. Aussi Ourkess choisit d’ouvrir deux portails subsidiaires et d’y dépêcher d’autres colosses. Le flash qui suivit éclaira les deux ciels. Celui des mortels et celui des dieux, pour que la multitude d’êtres saisisse qu’il accélérait le rythme.
Il visualisa sa pseudo-famille qui devait trembler, pas fichue de lever le petit doigt pour le stopper. Ou juste modérer le trépas de cette espèce bipède et pathétique. Ourkess rit à cette idée. Le pouvoir ! La force ! La gloire ! Tout était à lui. Même le futur. À coup sûr, Gormo dévorait ses propres os avec ses cycles ridicules. L’amour s’estompait, la peur le remplaçait. Et la mort, il la dictait désormais. Armouth avait perdu sa place, il croulait sous le poids du dieu de la guerre. Le seul Dieu qui méritait d’être !
Bizarre, ce bruit. Il tiqua, malgré la rage des combats. Quelque chose le perturba, tarit sa joie, comme le moustique qui volette tout près de l’oreille, ou la puce qui se cache au milieu de la forêt de poils. Misérable, pathétique, facile à détruire, et toutefois casse-pieds à souhait. Ourkess fit rouler sa tête. Qu’est-ce qui pouvait l’agacer comme ça, si proche de sa demeure ? Il crispa les mâchoires. Las, il regarda vers ce qui produisait cette rumeur.
Mazy ! Cette folle était toujours là ! Le dieu de la guerre se leva, attrapa sa masse et massacra ce qu’il restait du siège de marbre bleu. Elle avait survécu ! Pire que cela, elle avait traversé la porte. Qui ? Qui l’avait aidée ?! Ourkess hurla de toutes ses forces et laissa évacuer sa rage.
Voilà qui suffisait, elle allait payer.