La voix des faibles, des disetteux, de ceux que Mazy avait sauvés s’éleva plus haut au creux de l’esprit de la guerrière, alors qu’elle serrait plus fort sa hache. La rage se mêla à la colère de la défaite. Dès lors, et malgré l’état désastreux qu’elle revêtait, le souffle de la vivacité la revigora. Elle fut touchée par la grâce, celle offerte par les murmures ou les cris de détresse, les prières.
Le message était passé, Mazy existait et elle était prête à aider. Désormais, et plus que jamais !
La guerrière ferma les yeux et remercia ses coursiers. Sa geste s’était diffusée, par le partage, le bouche-à-oreille et le courage. Alors qu’Ourkess provoquait la perte de tous, elle désirait agir. Elle le voulait ! Le pourrait, si elle réussissait à dépasser la porte.
Mazy sourit, avec difficulté. Ce jour marquait la césure. Elle suivrait sa propre voie, pas celle dictée par les autres immortels.
Les chicots serrés, elle crispa les muscles du bras droit, le raidit et, parcourue de spasmes, souleva sa hache. Pour graver l’ultime bravade, elle la braqua vers le ciel, là d’où était apparu le dieu de la guerre, puis frappa le sol.
« Qu’est-ce que…. ? » fut tout ce que put souffler Armouth, qui la protégeait toujours.
La lumière des immortels se massa autour du fer de l’arme, la terre vibra, avec force. Puis l’herbe cracha la porte. Toute de grès sculptée, elle s’imposa aux yeux de Mazy et des deux êtres célestes. De l’eau semblait couler au cœur de l’espace formé par la roche.
« Que comptes-tu faire ? » trembla Faraky.
Armouth serra ses doigts autour des épaules de la femme.
« Lâche-moi ! éjecta Mazy. Je vais me le faire », bava-t-elle.
À l’image du reste du corps de la guerrière, sa bouche était cauchemardesque.
Malgré tout, elle s’agita pour se libérer et se laissa tomber au sol.
« Tu crois le pouvoir ? »
La voix du dieu de la mort était douce, presque réparatrice.
« Je vais le faire. Je vais le faire ! »
Déjà elle rampait, alors que sa voie s’ouvrait à tout juste deux mètres. Elle progressait du seul bras valide qui lui restait. Sa carcasse, véritable poids mort, glissait derrière elle.
« Arrête ! s’emporta Faraky. Tu vas tuer tous les êtres de cette terre, à refuser de laisser tomber. Tu perdras et tout espoir s’évaporera. »
Mazy poursuivait. La rage au cœur. Millimètre après millimètre.
« Tu m’écoutes ?!
– Pas, geuuuuuuuuh, du tout. »
La colère l’aidait à se mouvoir, le désir de sauver guiderait sa hache ! Elle refusait de sacrifier Garguyme pour défaire Ourkess. Celui-là, elle se le réservait.
Après tous ses efforts, l’eau de la porte s’étira vers Mazy qui rejetait toute forme d’appui. Elle prit sur elle, et poursuivit. Millimètre après millimètre. Millimètre après millimètre. Toujours. Plus. Rage. Victoire. Millimètre après millimètre. Sauver. Prières.
Plus elle progressait, plus elle percevait les appels. Le temps pressait, le massacre avait déjà débuté.
Mue par le désir de défaire, Mazy se projeta presque et traversa le liquide magique.