Perdue dans la forêt

Le second exercice a le même but que le premier et cette fois, le nombre de mots est plus grand encore : 747. Cependant, je voulais aussi essayer de faire un texte un peu sombre. Le personnage s’y trouve seul, désespéré, mais je n’en dis pas plus :

L’épuisement rendait ses pas hésitants, et la pluie qui tombait en un épais rideau depuis la veille ne lui rendait pas l’exercice plus facile. Ses pieds glissaient ou s’enfonçaient dans la terre boueuse, lui coûtant des efforts supplémentaires pour ne pas chuter de tout son long. Elle ramena ses mains fermées jusqu’à sa bouche et souffla pour les réchauffer. Tout ce qu’elle obtint fut un petit brouillard à peine encourageant. Rageusement, elle enfonça ses bras sous sa cape humide et serra ses mains sous ses aisselles. Là au moins, il faisait meilleur.

Le petit chemin de terre avait disparu par endroits, remplacé par de petites mares d’eau et de boue. Le seul réconfort qui lui restait était la clarté suffisante diffusée par la pleine lune. Les pièges creusés par les nombreux passages des caravanes, allant à la foire de Viernaison, pouvaient ainsi être évités. Elle sauta par-dessus une flaque et faillit glisser dans une seconde.

Une petite pause était nécessaire si elle ne voulait pas finir allongée dans la boue. Cependant, il n’y avait nulle trace d’abri ; à droite, la forêt formait un rempart quasi-infranchissable, et à gauche, le décor était le même. L’enchevêtrement des arbres ne lui inspirait qu’une sensation lancinante de peur, où mille idées noires luttaient pour dominer son cœur. Il y avait la possibilité des loups, qui sortaient en meute de leur tanière pour la pourchasser avant de la tuer sauvagement. Mais d’autres, moins probables, la voyaient envoûtée par une cruelle sorcière avant d’être sacrifiée, ou plus simplement avalée par un géant. Mieux valait continuer sur cette route, même ainsi trempée jusqu’aux os.

Il y avait bien longtemps que son chaperon de laine ne la protégeait plus de la pluie, qui tombait en grosses gouttes sur sa tête et assourdissait ses tympans. Un frisson la parcourut des pieds à la tête. Elle libéra ses mains, tandis qu’elles avaient à peine commencé à se réchauffer, et se frotta vigoureusement les bras. Mourir de froid n’était pas une solution, elle devait se hâter et trouver un abri convenable pour finir la nuit. Elle pourrait alors faire un feu, se réchauffer et sécher ses vêtements usés.

Son dernier espoir se transforma en rêverie, lui faisant oublier toute prudence et, lorsqu’une fois de plus, son pied glissa, elle n’eut ni la présence d’esprit ni la force de se maintenir debout. Elle tendit les bras pour se rattraper à quelque chose, n’importe quoi. Ses mains ne rencontrèrent que la terre trempée et glissèrent, ses genoux heurtèrent un rocher plat et son visage plongea dans une flaque. Elle s’agita un instant en tous sens, perdue, avant de sortir sa tête hors de l’eau. À quoi bon résister. Par un dernier effort, elle souleva son corps et le laissa retomber un peu plus loin. Tournée sur le dos, tout contre le sol boueux, elle fixa du regard le ciel nocturne. La pluie tombait toujours, comme une lente agonie. Le froid la saisit jusqu’aux os, ses vêtements étaient imbibés d’eau, elle était à bout, de force comme de courage.

Elle resta ainsi, hors du temps, en proie au vide qui semblait l’avaler pendant un instant qui lui parut durer une éternité. Ce fut donc par pur réflexe que ses narines s’ouvrirent lorsqu’une subtile odeur de fumée s’y engouffra. Elle inspira avidement, son désir de vivre éveillé par cette soudaine lueur d’espoir. Sans bouger, elle pencha la tête vers le chemin. La forêt s’ouvrait enfin ! Une petite maison brillait dans une clairière plus si loin d’elle, la lumière de la lune se reflétant sur les murs blancs. Ce fut à cet instant qu’elle réalisa que la pluie avait cessé. S’était-elle endormie là, allongée dans la boue ? Non, elle le savait, si ça avait été le cas, elle serait morte sur cette route, en plein milieu de la nuit. Se lever, elle devait se lever, sa dernière chance se trouvait au bout de cette route.

Elle roula sur le côté et se retrouva face à la boue. Avant de faire un quelconque effort, elle étendit ses jambes et posa les mains sur le sol. Puis, serrant les dents et grondant sa rage, elle poussa aussi fort qu’elle put sur ses bras tremblants. Elle redressa un genou et, comme précédemment, elle puisa dans ses dernières ressources pour se relever. Ses narines s’écartèrent de nouveau. Décidée, elle fit un pas en avant, puis un autre et se dirigea vers la bâtisse où nulle lumière n’était allumée mais où sûrement un feu l’attendait.

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