Cette fois-ci, vous découvrirez quatre fois la même scène dans des situations pourtant très différentes. Avez-vous déjà rêvé de découvrir un nouveau monde, de voir de l’autre côté du miroir ? Voilà ce que s’apprêtent à réaliser les héros de ces deux premiers univers :
Achevant de tracer le cercle, Guontir laissa couler les dernières gouttes de cire sur le sol froid. Sa bougie inclinée de la sorte durant de si longues secondes ne put maintenir éveillée sa flamme, qui finit par mourir. Désormais, seule la lueur des torches éclairait la pièce.
Les yeux clos, il décolla ses genoux du sol et se releva, avant de redresser la tête. Il inspira profondément, conscient que les prochains instants pourraient aussi bien lui offrir le respect des Maîtres que le pousser vers une fin tragique.
Se remémorant le rituel, il conjura son frère de rang de lui porter la sphère d’Oushta. Désormais sûr de lui, Guontir la prit dans ses mains et vint la poser au centre du cercle. Les incantations commencèrent dès qu’il retrouva sa place. Les écrits sur le sol s’illuminèrent, à chaque symbole sa couleur, et vinrent s’unir au-dessus de la sphère. L’apprenti ouvrit largement les bras face à cet arc-en-ciel, concentra sa magie et entonna son propre chant. Il sentit l’énergie de la sphère vibrer dans l’air, la rendant presque palpable, lourde, oppressante. Inquiet, il jeta un coup d’œil sur sa droite et sursauta lorsqu’un éclair vint y foudroyer la sévère Gravik. Un flash puis plus rien. Elle avait disparu.
Cependant, au centre du cercle, trônait un disque de lumière. Comme suspendu par un fil, il invitait les braves, ou les inconscients, à le traverser, à passer le portail d’Oushta vers un monde nouveau.
* *
Engoncé dans sa tenue, le sujet peinait à seulement avancer vers l’étrange cloche. Une vapeur inquiétante s’en échappait par huit tuyaux de cuivre, créant un nuage s’épaississant au plafond de l’entrepôt. De toutes parts, des engrenages tournaient, forçant leurs voisins à suivre une danse effrénée. Le rythme, marqué par les sifflements d’une bulle sous pression, accentué par le gonflement et le rétrécissement d’accordéons sous vide, ne respectait aucune logique apparente.
Suivant les instructions, Artaus s’arrêta à seulement trois mètres de la machine et attendit qu’on vienne fixer une sphère de verre aux attaches de son scaphandre. Désormais, il ne voyait plus le monde qu’au travers d’un filtre violet. Un homme, la main sur son épaule, le guida alors jusqu’à la porte de la cloche. Un autre l’ouvrit en tournant de nombreuses fois une grande valve. Une coulée de vapeur s’enfuit dès les premiers centimètres de liberté acquis, inondant le sol d’une blancheur éthérée. Artaus déglutit péniblement. Voulait-il toujours tenter cette expérience insensée ?
Comme si ses compagnons ressentaient ses doutes, ils s’empressèrent de venir vérifier les attaches tout en le félicitant pour son courage et son amour de la science. Le sujet acquiesça, un sourire crispé aux lèvres et entra dans le Voyageur. Malgré l’espace restreint, il put s’asseoir aussi confortablement que possible avant qu’une femme ne vienne lui visser les entrées d’air. Artaus sentit sa tête être happée sur la droite puis sur la gauche, le temps que les connexions se fassent. Elle lui sourit, sortit et referma la porte.
La suite ne fut qu’une longue attente anxieuse avant que la cloche qui l’hébergeait ne se mette en branle. Tout vibra, s’illumina et hurla. Puis plus rien.