Voici un exercice qui n’est pas forcément évident. L’idée était de prendre trois mots dans un dictionnaire, parfaitement au hasard, et de réussir à les intégrer dans un texte. Ainsi, en fonction des mots trouvés, les idées peuvent venir facilement, comme dans le premier texte. Le second fut bien plus ardu.
Extravagant // fraîchement // arme
« Bonjour, Kril, tu viens chercher le pain pour tes parents ? Un rondin, comme d’habitude ?
-Comme d’habitude, répondit le plus grand des deux frères.
-Je t’amène ça tout de suite.
-Merci, monsieur Sax. »
Kril chercha du coin de l’œil son frère. Le petit regardait avec un intérêt marqué deux étrangers. Ils parlaient une langue que Kril ne comprenait pas. Cependant, cela ne le dérangeait pas. Ou plutôt, il y était habitué. Edménite, sa ville natale, attirait toujours un nombre incalculable de gens venus de tous les horizons. L’une des activités favorites de ces jeunes frères était justement de rejoindre la grand-place et d’observer les allées et venues de ces étrangers.
Ces gens avaient toutes sortes de traditions et de langues, d’accents ou de couleurs de peau. Kril se rendait alors compte combien le monde était beau et combien ces différences le rendaient riche. Le détail qu’il préférait observer était la tenue de ces étrangers. Certaines étaient tellement extravagantes qu’elles en devenaient ridicules. Kril sourit en repensant à un homme en particulier. Il était grand et puissamment musclé, mais sa chemise était très ouverte, trop ouverte, laissant apparaître ses deux pectoraux. Le motif à fleurs était beaucoup trop coloré. Le rose se mêlait au jaune, à l’orange, au bleu et au vert. Et son pantalon, Kril faillit laisser échapper un vrai rire à cette pensée. Blanc, moulant à souhait et très évasé au niveau des pieds. De grosses perles aux mêmes couleurs que son haut parcouraient ses jambes verticalement pour rejoindre trois rangées de dentelles qui dansaient au rythme des pas de l’étranger. Cependant, l’arme qui battait à sa cuisse freina toute moquerie de sa part, du moins jusqu’à que Kril le voit disparaître.
« Et voilà. »
Kril sortit de sa rêverie pour se retourner vers le boulanger :
« Parfait, répondit-il amicalement. Morant, tu veux le prendre ?
-Il est tout chaud ?» Le petit frère ne tenait plus en place. Tenir le pain chaud était l’un de ses petits plaisirs. En réalité, il adorait accompagner son frère à la boulangerie uniquement pour porter dans ses petits bras le rondin encore fumant.
«Fraîchement sorti du four. Rien que pour toi !
-Oh, oui alors ! »
Le visage de Morant s’illumina.
« Morant, qu’est-ce qu’on dit ?
-Merci, monsieur Sax.
-Merci, monsieur, au revoir.
-Au revoir les enfants.
* *
*
* *
amendement // judiciaire // ancre
La mer était forte aujourd’hui, la pluie battait son plein et venait fouetter son visage déjà mis à mal par le sel et le froid. Ses mains meurtries se refermèrent sur le cordage. Il l’empoigna aussi fort qu’il le put et le vérifia, comme chacun des précédents qu’il venait tout juste de resserrer. Le capitaine hurla son nom et lui donna un nouvel ordre. Un ordre qu’un homme comme lui pouvait exécuter, un ordre pour un nouveau marin au cœur qui n’appartenait pas à la mer.
Penser qu’il se trouvait sur ce bateau de malheur à cause d’une erreur judiciaire le désolait. Il aurait dû en puiser une rage, une envie de vengeance qui aurait pu lui donner la force de continuer, il le savait. Au lieu de cela, chaque hurlement du capitaine, chaque goutte qu’il recevait, chaque cordage qu’il resserrait le tirait vers un abysse de désespoir.
Profiter de la pluie pour nettoyer le bateau était donc sa prochaine mission, son prochain calvaire. Comment pouvait-il convenablement nettoyer le pont lorsque le bateau ne cessait de monter et descendre au gré des vagues ? Monter, descendre, monter, descendre. Phillion ne devait surtout pas penser à cela, sinon, le mal de mer le rattraperait. Un politicien, voilà ce qu’il était, pas un marin. Il n’avait rien à faire sur un bateau.
Une vague haute vint le gifler, le glaçant de la tête au pied. Pourtant, ce ne fut pas le froid qui le paralysa. Une révélation aussi soudaine qu’évidente marqua son esprit. La justice avait été l’instrument des dieux. S’il se retrouvait dans cet enfer, c’était uniquement parce que les dieux l’avaient voulu. Ils le punissaient pour ses mauvaises actions, pour ses erreurs. Et, comme si sa réflexion ne pouvait prendre qu’une seule direction, il repensa à cet amendement qu’il avait proposé et dirigé. Ce même amendement qui certes avait grandement simplifié la vie des nobles, mais avait aussi vu des dizaines de gens du commun chassés de leur maison. Mais, ces gens n’étaient pas très importants, sans compter qu’une maison en terre peut être reconstruite ailleurs. Ils savent très bien le faire. Surtout que désormais l’accès à la ville est bien plus aisé. Philion n’avait-il pas eu raison ? La foudre frappa la mer non loin du bateau.
Philion comprit que pour réparer son erreur, il devrait survivre à cette épreuve. Et s’il y parvenait, il ferait tout pour défendre les intérêts du peuple. Un nouvel espoir naquit en lui. Cependant, le capitaine vint l’attraper par le col, il le secoua, lui hurla combien son travail était mauvais et l’envoya veiller sur l’ancre. Là, au moins, il ne pourrait rien faire de mal.