Ce premier exercice, comme beaucoup de ceux qui vont suivre, avait pour but de planter un décor, une personne et son histoire en environ 400 mots. Ce texte en fait 682, on peut considérer que ce n’est pas une réussite de ce côté là. Cependant, il est intéressant de mettre au point un décor le plus rapidement possible :
Les premiers rayons du soleil inondèrent ses yeux clos d’une lueur rougeoyante. Par réflexe, ils se plissèrent face à cette agression matinale et ce fut au prix de longs instants de patience qu’il les laissa s’habituer. Peu à peu, il se détendit ; la grimace qui déformait son visage amaigri par le voyage abandonna ses traits. Seules quelques rides sur son front et autour de ses yeux persistèrent.
Avant que le reste de son corps ne se plaigne de cette nuit passée dans un arbre, il profita pleinement de cet instant de paix. Car il le savait, ce jour marquait son retour. Au soir, tout le monde au village allait lui demander comment s’était passé son rituel d’ascension. Il inspira lentement, profondément. L’air ainsi inhalé lui apporta le parfum subtil de la forêt d’Israya, le distrayant de ses mornes pensées. Ce mélange discret d’humus humide, de roses Jaune-Cœur et de Mort-Dansantes apaisait toujours son âme meurtrie. Il inspira une nouvelle fois, puis expira en laissant retomber lourdement ses épaules. Cette fois devait être différente des autres, car seule subsistait en lui la déception qu’il allait susciter.
Comment en être autrement ? Il avait échoué, et son erreur allait entacher l’honneur de toute sa famille. Ses sœurs, son frère, sa mère, tous allaient devoir répondre de sa faute. Et son père, son père…Dire que tous avant lui avaient réussi et que désormais, ils allaient sombrer dans l’abîme de la honte à sa suite. Il ouvrit brusquement les yeux. Ils clignèrent mais il n’y prêta nulle attention. À gauche, au loin, se trouvait son village. Il pouvait voir du haut de son perchoir les toits arrondis massés dans la plaine. La vie allait s’agiter dans peu de temps, les boulangers étaient déjà éveillés et leurs fours allaient bientôt s’allumer. Les chasseurs les suivraient, puis les agriculteurs. Et lui, il était là, dans cet arbre, à se demander si son retour était la bonne chose à faire. Il pouvait toujours se tourner vers sa droite, vers le sentier qui l’avait ramené chez lui, et s’enfuir, s’enfuir loin de ce monde et de ses responsabilités. Mais quelle serait alors la sanction que subirait sa famille ? Rares étaient ceux qui n’étaient jamais revenus de leur cérémonie d’ascension, et les histoires que l’on racontait à leurs sujets étaient toutes identiques. Leurs familles avaient tout simplement disparu sans laisser de trace, du jour au lendemain. Rien ne prouvait qu’ils furent tués mais tout portait à le croire. S’il résumait ses choix, il avait le droit entre jeter le déshonneur sur sa famille ou la faire assassiner.
Il releva son bras rigide et se frotta le visage. Son regard se porta de nouveau vers son village, des colonnes de fumée s’en élevaient. Les pains commençaient donc à cuire là-bas. Avec une petite impulsion des épaules, son dos quitta le tronc, éveillant par la même occasion une vive douleur. Il se tourna vers l’arbre, rageur. Il avait passé toute la nuit contre une aspérité. Il se massa un instant avant que sa colère momentanée ne l’abandonne, au profit de ses réels problèmes; le futur plus que probable de sa famille l’assaillit de nouveau, lui faisant oublier ses propres soucis. Essayant de taire les douloureuses courbatures, il se redressa sur la branche et décrocha son sac avant de le laisser tomber à terre. À son tour, il descendit. D’un bond souple, il sauta de son perchoir.
En se redressant, il réalisa qu’il faisait face à la route qui le mènerait loin du village. C’était sa dernière chance, il le savait. Après cela, rien n’empêcherait les villageois de lui cracher dessus et de salir son nom. Il imaginait très bien l’horreur que sa famille allait subir. Pourtant, c’était la déception qu’il voyait dans le regard de son père qui le terrifiait. Soudain, envahi d’une résolution inébranlable, il tourna le dos à sa fuite. Il avait échoué, cette vérité le tiraillait au plus profond de ses entrailles, mais il ne comptait pas abandonner sa famille et la laisser payer seule pour sa faute. Il ramassa rapidement son sac et partit d’un pas décidé.