Compte rendu

Les yeux du roi suivaient chacun des pas de la femme qui approchait. Ses bottes hautes en daim grisé foulaient le tapis avec une grâce féline. Des manches mi-longues et fendues fuyaient un surcot serré, pour danser paresseusement au rythme de sa marche. Une ceinture fine barrait ses hanches. Depuis son trône, il parvenait à lire son regard déçu malgré son port fier et droit. Une épée sur les genoux, Renouille attendit qu’elle traverse les vingt couples de colonnes noires.

« Votre Majesté, déclara-t-elle en s’inclinant légèrement, la main gauche sur le cœur.

-Varnille, je crois savoir que la dernière cérémonie vous a maintenue occupée. Dites-m’en plus.

-Vous avez parfaitement raison, votre Majesté. Et je suis au regret de vous annoncer que malgré votre intuition et vos bons conseils, notre cible s’est échappée.

-Vous a échappé, devriez-vous dire. » Renouille laissa un temps à Varnille pour assimiler toute la vérité de cette simple déclaration. « Toutefois, je dois vous féliciter. Ce plaisantin vous a certes semé dans les rues de notre cité, mais votre groupe a su déjouer son méfait. Sans votre intervention, une certaine cascade aurait assombri les festivités. J’applaudis votre intervention. » Joignant le geste à la parole, des battements de mains résonnèrent dans la salle du trône. « Maintenant que vous avez prouvé votre utilité, ce dont je ne doutais pas, poursuivez l’entraînement. Les toits ne sont pas son seul terrain de jeu, apprenez à le suivre dans les rues. Et rattrapez-le ! J’ai à lui parler. Vous pouvez disposer.

-Je remercie votre générosité. »

La soldate acrobate s’inclina une dernière fois et laissa le roi à ses pensées.

Renouille fixa son attention droit devant lui, les sourcils froncés par la concentration. Ainsi le duc de Kopangne passait à l’action. Toutefois, avec quel manque de subtilité. Que son problème disparaisse soudainement après tant d’années d’efforts inutiles, et qu’un similaire surgisse de nulle part à Argogue paraissait bien trop évident. Ou alors son atout se soustrayait à son contrôle. Cela lui offrait peut-être une faille où s’engouffrer.

Sa tête acquiesça de son propre chef. Depuis sa dernière visite dans la ville de Guaal, et la farce douteuse de son plaisantin local, Renouille avait fait créer un petit groupe d’hommes et de femmes apte à prévenir tout criminel de son acabit. Les derniers jours avaient prouvé la justesse de sa pensée. Toujours conserver un coup d’avance sur quiconque !

Pourtant, un problème des plus graves restait en suspens. Le front de l’est lui échappait. Ses hommes refusaient de suivre ses ordres et dirigeaient leurs troupes de la plus insensée des façons. Comme s’ils désiraient voir les jamures l’emporter.

Tout cela s’enchaînait étrangement bien. L’arrivée de l’importun, les ordres non respectés. Existait-il un lien ?

Oh ! Ses yeux s’écarquillèrent. La vérité pouvait-elle être si évidente ? Pour le vérifier, une petite soirée mondaine s’imposait.