En perdition

Pour une fois, je ne me suis imposé aucune règle spécifique. J’ai juste essayé d’écrire un texte court. On pourrait dire que la contrainte vient de son style : la science-fiction.

Les moteurs ne répondaient plus. Comme habités par une vie propre, ils s’éveillaient et s’endormaient sans logique, agitant le vaisseau monoplace en tous sens. Le propulseur arrière gauche effectuait une poussée régulière ; toutes les cinq secondes, il s’illuminait d’une lueur bleutée et déviait la trajectoire du Hébéus X-260. Les rétrofusées ne parvenaient pas à s’entendre. Elles s’activaient parfois en groupe, souvent seules, et s’acharnaient à faire pivoter continuellement l’embarcation.

À l’intérieur, le cœur au bord des lèvres, Maïne maudissait ces fichus pillards diwarts. Que pouvait bien contenir de si intéressant son petit vaisseau pour mériter une telle attaque ? Sa dernière prise n’était qu’un masque en bois ayant pour seul intérêt la collection. Sans compter qu’il était assez effrayant avec sa tige en métal.

« Évacuation recommandée, l’interpella Joec, l’I.A. embarquée. Je vous invite à suivre les lumières vers votre capsule de sauvetage. Évacuation recommandée… »

Même les lueurs rouges refusaient de fonctionner correctement. Aucun chemin ne s’illumina pour lui indiquer la direction à prendre. De toute façon, au vu de la danse qu’effectuait le vaisseau, il n’aurait ressemblé qu’à une pluie d’étoiles en perdition. Heureusement que Maïne connaissait la marche à suivre.

Balayant la salle des commandes d’un regard malade, elle chercha où se trouvaient la gauche et la droite. Le Hébéus changeait continuellement d’horizon, il montait, descendait, tournait dans un sens puis dans l’autre. Maïne aperçut par le hublot principal la lueur bleutée d’une planète grossissante. Si elle ne se dépêchait pas de rejoindre sa capsule, la suite ne lui plairait sans doute pas.

« Évacuation recommandée.

-Ouiiiii, grinça-t-elle des dents à cause des secousses, je saiiiis ! »

Maïne ferma les yeux et se tassa tout contre le tableau de bord. Elle se fit une image mentale du couloir derrière elle, celui qui, sur la droite, s’ouvrait vers son salut. Il ne lui restait plus qu’à trouver un moyen de l’atteindre. Cependant, escalader fauteuils et parois lui était impossible, le vaisseau tanguait sans logique.

Puis comme répondant à son appel muet, un bruit sourd retentit dans le cockpit.

« Moteur coupé, lui signala son I.A. »

Et, avant de pouvoir s’en féliciter, il ajouta : « Attraction de la planète en hausse. »

Maïne n’eut pas le temps de réaliser ce que cela impliquait qu’elle sentit son corps se soulever. Malgré elle, la paroi se rapprocha de plus en plus vite. Et bientôt, elle accusa le choc. Ses yeux se rouvrirent après sa chute. Quand les avaient-elles fermés ? Peu lui importait. Elle se releva tant bien que mal avant de retomber à genoux. Son vaisseau accélérait, bientôt, il irait si vite que le poids de son propre corps deviendrait insoutenable. Ainsi, à quatre pattes, elle rejoignit la porte de sa capsule et appuya sur le bouton d’urgence. Rien. « Oh, ça suffit, s’écria-t-elle avant de frapper le panneau de commande de son poing. » Et il s’ouvrit. Elle s’engouffra dans l’entrée, se releva tant bien que mal et s’attacha.

« Largage de la capsule, dit-elle.

-Vitesse du Hébéus élevée, lui répondit Joec. Forte probabilité de lésions.

-Tout plutôt que de ressembler à un pâté guillart. Largage Joec ! »

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