Nuit hantée

Les images fugaces luttaient, s’entremêlaient et tourbillonnaient dans son esprit. Les unes après les autres, elles reprenaient le dessus pour mieux la torturer, avant de la replonger dans les ténèbres. Le chœur grave, le faisceau de lumière lunaire, le cercle de feu. L’obscurité. Le prêtre. La solitude. Le regard appuyé de la reine. L’abandon. À nouveau les flammes et leur intense chaleur. Elle sentit son corps trembler, son esprit tentant de s’évader de cette prison de chair.

« …oel…dre… » Une voix puissante s’insinua dans son cauchemar aux relents de réalité. « …tendre…tu ? » Son songe se stabilisa un instant. Là, debout, baignée dans la clarté blanche, elle sentait le cercle de feu brûler ses jambes. Quelqu’un, un homme, l’appelait. Le prêtre, sans doute, venait d’entonner le chant qui lui promettait la liberté, en lui arrachant une partie de son âme. Son corps s’agitait avec force. La voix se fit plus insistante et, comme recrachées par les ombres, deux mains l’agrippèrent aux épaules et la secouèrent.

« Moelique… » Le reste de la phrase se perdit dans la nuit tant le retour à la réalité fut difficile. Entendre son prénom lui permit de s’attacher à un premier détail. Puis sa vie entière revint à elle. Allongée sur le dos, Moelique tourna la tête vers celui qui partageait sa vie depuis quelques semaines seulement.

« Tu as encore fait un cauchemar ? Quand cesseront-ils, s’exaspéra-t-il ?

-Mon beau guerrier, j’aime que tu t’inquiètes pour moi, mais rassure-toi, ils finiront pas se lasser. Te savoir à mes côtés est déjà un grand réconfort. Cesse donc de me regarder comme si je risquais de me fendre, s’amusa-t-elle. Je suis une grande fille.

-Je sais, je sais. C’est plus fort que moi, te savoir souffrante ne peut que m’attrister.

-Le grand Okrone désarmé par les mauvais rêves de sa compagne. Voilà qui attendrit plus encore le célèbre guerrier que tu es. » La moue d’Okrone la fit sourire. Depuis sa guérison, depuis le miracle de Droa’k, Moelique se sentait de nouveau pleine, entière, autorisée à vivre. Elle laissa son aimé glisser sa main sur sa joue. Nulle trace de l’attaque d’Alissart ne subsistait, ni physiquement ni dans son cœur. Une nouvelle vie s’offrait à elle. Doucement, elle s’approcha d’Okrone et l’embrassa avec une tendresse qu’elle s’ignorait avant de le rencontrer. Une paix intérieure avait empli le creux laissé par la disparition de son âme animale.

Demain, elle retrouverait sa robe de prêtresse de Droa’k et irait voir Kahang’krach. Le cadeau qu’elle avait reçu ne devait pas être perdu.

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