Réflexion

« Les portes s’ouvriront ? » Attablé dans sa tente privée, Gongénoire de Lancine, roi des jamures, pointa son pic à viande vers Yarflel. « ‘’Les portes s’ouvriront‘’, vous dites. Rassurez-moi, vous réalisez que je ne peux pas établir une stratégie viable sur la base de simples affirmations ? » Il tentait au mieux de conserver son calme.

« Les informations que je vous donne, je les ai acquises de la même façon que celles vous révélant la position du duc de Kopangne. Et s’il vit encore, il doit à cette heure-ci se balancer au-dessus de la Place des Signatures. De même, mes instructions vous ont ouvert l’impénétrable mur de boucliers formé par les troupes de Renouille. Ce même mur sur lequel votre famille s’écrase depuis des dizaines d’années.

N’oubliez pas votre rang ! Je suis certes patient et intéressé par notre alliance, mais ces deux points ne vous maintiendront pas en vie éternellement. Vous dansez sur un fil, Yarflel, et il s’amincit, acheva Gongénoire d’un ton chargé de sous-entendus. » Abandonnant un instant son interlocuteur, il se concentra sur son plateau,où l’attendait une tranche de viande encore fumante. Il y planta son pic, se découpa une part et la porta à sa bouche. « Hum, maintenant que nous sommes d’accord sur la situation, nous allons pouvoir réfléchir sérieusement à la meilleure façon de prendre Argogue. Supposons que vos hommes seront en mesure d’ouvrir les portes. Soyons optimistes pour commencer.

Si c’est que vous désirez, répondit Yarflel avec une froide neutralité. À quel accès pensiez-vous ?

En considérant la taille de mon armée, je doute que nous passions inaperçus. Cela exclut donc une approche discrète. Pour autant, je ne fondrai pas sur la ville sans réfléchir. » Gongénoire posa ses couverts. «  Au vu de notre vitesse de marche, le roi doit organiser ses défenses en hâte, et consolider certaines parties en dépit des autres. Il en sera de même pour les portes. La plus proche de nous, celle au nord-est, paraît la plus évidente. Je ne m’y arrêterai donc pas. Il ne nous reste que celles au nord et au nord-ouest. Jouons la surprise et l’incohérence. J’ordonnerai aux troupes de se diriger vers cette dernière, afin de perturber les bâtisseurs et de les forcer à oublier la voie centrale. Là où nous attaquerons finalement. Vos hommes seront-ils capables de s’en charger ?

Bien entendu. » Yarflel opina du chef pour appuyer ses dires. « Il ne vous restera plus alors qu’à vous frayer un chemin jusqu’au château.

Voilà qui me plaît. Maintenant, imaginons que nous choisissons la porte la mieux protégée et que vous ne parveniez pas à la faire ouvrir. »